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2020-12-01
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Tags : #BookReview
Rédigé : 01-12-2020
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# La chanson de Roland
Lu *La chanson de Roland* dans une traduction de Joseph Bédier, datant des années 1930. Texte très facile à lire et assez fascinant.
La chanson se divise en deux parties : la première raconte la mort de Roland, le neveu de Charlemagne, annoncée dès le début. C’est tragique à souhait, avec certains passages émouvants. La seconde narre la vengeance de Charles le Magne, la mort du roi d’Espagne Marsile et ce qu’il advient de Ganelon, le traître, une fois que Charles est de retour à Aix.
L’ensemble est une ode de 4000 décasyllabes à la violence démesurée et à l’esprit guerrier.
Difficile de trouver un texte qui serait plus éloigné de la sensibilité du XXIe siècle. Je trouve triste que cette oeuvre soit considérée comme la première pierre de la littérature française. C’est une chanson raciste, propagande chrétienne contre les démons mahométans, qui célèbre les exploits guerriers des hommes de Charles. Les femmes, à moins d’être des trophées qui se pâment, sont absentes. Le monde de l’épopée est celui des hommes.
Mais ça n’en reste pas moins une création efficace : on a envie de découvrir ce qui va arriver. Ici, nulle masculinité toxique : les guerriers montrent facilement leurs émotions et se laissent submergées par elles à de nombreuses reprises. Dans ​*la Chanson de Roland*​, les femmes ne sont pas les seules à se pâmer.
Et évidemment, il y a la relation entre Roland et Olivier en filigrane. Couple épique, à la manière d’Achille et de Patrocle, ou de Nisus et Euryale. Donc, forcément à mes yeux, couple homoérotique. Et c’est peut-être la raison pour laquelle j’ai aimé la ​*Chanson de Roland*​... Pendant plusieurs strophes, j’ai rêvé à cette amitié exclusive, à ce que le texte ne disait pas mais qui aurait pu être. Leur fin tragique s’est faite plus poignante encore. Si seulement Roland avait écouté Olivier et sonné de son olifant plus tôt ; si seulement il n’avait pas eu cet orgueil mal placé !
Mais ce qui m’a certainement le plus touché, c’est la conclusion. L’épopée se termine : Charles est tranquillement dans son lit et s’apprête à dormir... mais Dieu en a décidé autrement et lui envoie Gabriel, qui lui confie sa prochaine mission (aller secourir un roi à l’autre bout de l’Europe). Et la *Chanson* de se terminer sur ces mots :
> « L’Empereur voudrait ne pas y aller : « Dieu ! » dit-il, « que de peines en ma vie ! » Ses yeux versent des larmes, il tire sa barbe blanche. »
Et c’est donc, non pas sur une image triomphante de Charles que se clôt l’épopée, mais sur le portrait d’un empereur usé par les combats et les voyages.
Peut-être que la *Chanson de Roland* n’est pas si éloignée de notre sensibilité que ça, au final...
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âś… Sylve Publique