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# Semaine du 29 mai 2023
## Lundi 29 mai
Quand je désire un autre homme, est-ce que je souhaite le mettre dans mon lit ou est-ce que je veux être à son image ? Suis-je un Zeus qui veut posséder l’objet amoureux ou suis-je un Narcisse qui rêve d’un reflet différent ?
Quand je soupire en regardant la photo d’un jeune et vigoureux acteur thaïlandais, mon regret s’explique-t-il par le fait que je ne coucherai jamais avec lui ou parce que je n'aurai jamais sa beauté ni son charme ?
Peut-ĂŞtre ne s’agit-il que d’une question d’intensité… L’alpha et l’omĂ©ga du dĂ©sir homosexuel : pĂ©nĂ©trer l’autre (ou ĂŞtre pĂ©nĂ©trĂ© par l’autre) au point de devenir lui. Â
ĂŠtre en lui pour ĂŞtre lui.
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## Mardi 30 mai
*Musée de Manchester — Exposition temporaire et gratuite sur les momies (Golden Mummies of Egypt)*
DĂ©couverte de ce musĂ©e qui dĂ©pend de l’UniversitĂ© de Manchester. La collection est variĂ©e, de l’Égypte aux sciences naturelles. Ce musĂ©e (certain·es le qualifieraient de *woke*, n’en doutons pas) Ă©tablit de nombreux liens entre les objets du passĂ© et le prĂ©sent, avec une mise en scène très originale. Il discute colonialisme et racisme, nature et crise environnementale.Â
Comme dans tous les musées de petite taille, l’attention peut se poser tranquillement sur un objet et le regarder dans le détail. Ici, ce n’est pas le Louvre ou le British Museum, ça ne déborde pas dans tous les coins.
J’ai été ému par les biographies-témoignages que l’on trouve dans la Lee Kai Hung Chinese Culture Gallery. Elles nous font entrevoir la vie d’émigrés à Manchester ou, inversement, de Mancuniens en Chine/Hong Kong au XXe et au XXIe siècle. On trouve des témoignages d’amitiés et d’entraide inattendues au milieu d’antiquités chinoises : l’agencement est thématique plutôt que chronologique ; ça m’a donné une impression de profondeur.
Quant à l’exposition temporaire, les ors de l’Égypte me fascinent encore. Pendant quelques minutes, devant ces témoignages d’éternité, j’y ai rêvé d’histoires qui se passeraient durant la période hellénistique ou romaine (mais que je n’écrirai certainement jamais). J’ai déchiffré quelques papyrus en grec (ou essayé en tout cas !) : ça m’a rappelé ce semestre de licence à la Sorbonne. C’est parfois agréable de se rappeler ses passions de jeunesse.
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## Mercredi 31 mai
Ma vie professionnelle est en train de se cristalliser autour du verbe *to deliver* et de son nom *delivery*.
*Do you deliver? Yes, I deliver. What exactly remains unclear, but I deliver.*
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## Jeudi 1 juin
Se remettre Ă postuler après quelques annĂ©es dans la mĂŞme Ă©quipe, c’est Ă©prouvant.Â
Il faut relancer la machine.Â
Ça commence par réaliser avec horreur que la dernière fois que l’on a mis son CV à jour (et/ou que l’on en a gardé une copie), c’était il y a cinq ans. Cinq ans ! Une éternité…
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## Vendredi 2 juin
Je mesure Ă quel point il est confortable pour moi de n’avoir pas Ă penser Ă ma sexualitĂ© tous les jours. Je suis libre d’être gay et j’évolue dans un environnement oĂą je n’ai rien Ă cacher.Â
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Le sentiment de honte a disparu du devant de la scène (je sais qu’il demeure, caché, et influence mes réactions de manière parfois pernicieuse, mais dans l’ensemble, je pourrais croire qu’il a entièrement disparu). Certes, il m’arrive d’avoir peur d’un lynchage public, d’une agression, mais cette crainte est théorique : le fait que j’aime un autre homme, que je dévie de l’hétéronorme, peut suffire à susciter la violence, je ne l’oublie jamais. C’est la raison pour laquelle, encore maintenant, j’évite tout geste tendre dans la rue. Il ne faut pas tenter le diable.
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Dans l’ensemble, je m’accepte tel que je suis. Plus j’avance dans l’âge et moins je me soucie de ce que les autres peuvent penser de moi : cet épanouissement est la raison pour laquelle je ne m’inquiète pas trop de vieillir.
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Parfois, je rêve à ce qu’aurait pu ressembler ma vie si j’étais né hétéro. Ce sentiment de ne pas faire partie du groupe, d’être toujours aux marges dans tout ce que je fais et ce que je suis, aurait-il quand même existé ?
MalgrĂ© moi, j’envie certaines « évidences » qui rĂ©gissent l’existence des hĂ©tĂ©ros — ce modèle que l’on doit suivre avec plus ou moins de fidĂ©litĂ©. Leur vie semble tellement plus facile de l’extĂ©rieur. Ils n’ont pas Ă se poser *nos* questions… Je sais qu’iels s’en posent d’autres et que leurs vies sont tissĂ©es des mĂŞmes douleurs que les nĂ´tres. Mais il doit ĂŞtre doux de n’avoir pas Ă avancer Ă contrecourant constamment.Â
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Nos faiblesses sont nos forces. Ce qui nous rend diffĂ©rents nous enrichit. La douleur peut devenir lumineuse dans les bonnes conditions.Â
J’aimerais dire Ă mon passé :Â
« Il n’y a peut-être aucune fierté à être comme tu es, mais il n’y a aucune honte à avoir non plus. Ne cherche pas l’acceptation chez les autres ; elle doit d’abord venir de toi. Le jour où tu t’accepteras, ces chaines qui semblaient si lourdes, si handicapantes, si étouffantes, disparaitront. Et sache qu’il y a beaucoup d’amour et de bienveillance autour de toi, même quand tu sembles ne voir que rejet et haine. »
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## Samedi 3 juin
Ça va, ça vient, mais en ce moment, j’aurais presque envie de quitter Twitter. Si je pouvais trouver ailleurs ma source de contenu *boy's love*, entre autres, je pense que je partirais sans regret.Â
La négativité et la haine qui constituent l’ADN de ce réseau, la place centrale qui est donnée aux discours extrémistes (surtout ceux d’extrême droite), tout cela ressemble fort à de la *junk food* pour l’esprit.
Dans un monde idéal, j’aimerais que les RS que je fréquente stimulent mes réflexions, m’apprennent des choses variées et me fassent me sentir bien à l’idée de vivre en ce début du XXIe siècle. Qu’ils procurent aussi un peu de chaleur humaine.
Pour m’épanouir, j’ai besoin d’une stimulation positive constante ; sans Twitter, j’aurais l’impression de dépérir, comme une fleur que l’on n’arrose plus ou mal. (Mais il est vrai que ce n’est pas de l’eau fraiche que j’obtiens quand je fais cuicui avec l’oiseau bleu ; plutôt du coca-cola ou du pepsi.)
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La solution n’est pas nĂ©cessairement de partir pour de bon, comme j’ai quittĂ© Facebook il y a quelques annĂ©es. Peut-ĂŞtre est-il possible d’avoir un usage sain de Twitter, d’en tirer seulement des bĂ©nĂ©fices et de se tenir Ă©loignĂ© de ses aspects les plus dĂ©lĂ©tères…Â
Comme il doit exister un moyen de ne pas prendre de poids quand on a accès à un stock illimité de chocolats, de gâteaux et autres sucreries. (Ma pratique semblerait prouver le contraire et m’inviterait plutôt à bannir tous ces petits plaisirs qui deviennent très vite de gros plaisirs auxquels je suis incapable de résister… mais je m’égare !)
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## Dimanche 4 juin
*Divinity 36* est le roman que j’aurais Ă©crit si j’avais voulu adapter en SF l’univers fascinant de la K-pop, des *idols* et des fans.Â
C’est aussi la raison pour laquelle je suis Ă©merveillĂ© par l’histoire et le monde que Gail Carriger a créés : Phex est recrutĂ© pour devenir un dieu, c’est-Ă -dire un artiste capable de susciter la vĂ©nĂ©ration de milliards de crĂ©atures, humaines comme aliens, Ă travers l’Univers.Â
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Dans *Divinity 36*, le premier volume d’une trilogie (*Tinkered Starsong*), il doit survivre au programme d’entrainement intense et à une sélection rigoureuse dans l’espoir de former un « panthéon » avec cinq autres aspirants/*trainees*.
Ce roman est l’illustration parfaite des thĂ©ories que l’autrice a dĂ©veloppĂ©es dans son essai, *The Heroine’s Journey* (2020), contrepoint du *Hero’s Journey* de Joseph Campbell. Dans ce texte, elle dĂ©montre qu’il existe deux types de voyages : le voyage solitaire, celui du hĂ©ros, qui est appelĂ© Ă se sacrifier pour le bien de la communautĂ© et le voyage de l’hĂ©roĂŻne (qui, comme ici, peut tout Ă fait ĂŞtre un homme), qui est caractĂ©risĂ© par l’entraide. Le voyage de l’hĂ©roĂŻne, c’est une affaire de groupe, de collaboration et de cohĂ©sion. Contrairement au hĂ©ros de Campbell, celle-ci n’est pas supposĂ©e se dĂ©tacher de la sociĂ©tĂ© pour accomplir sa mission ; elle ne peut y arriver que si elle apprend Ă coopĂ©rer, Ă vivre en harmonie avec son environnement et celleux qui l'accompagnent.Â
Dans *Divinity 36*, Phex ne réalise son potentiel que lorsqu’il trouve sa famille adoptive. Même s’il a des dons exceptionnels, il n’existe pas en dehors de son panthéon. Le roman met l’accent sur la fonction essentielle qu’il occupe dans la dynamique de groupe : il est le « soleil » du panthéon, c’est-à -dire le membre autour duquel les autres gravitent, sans qui la troupe divine ne pourrait pas exister. Gail Carriger nous fait bien comprendre qu’être le « soleil » ne veut pas dire que Phex est le leadeur pour autant ; il fait office de colle ; il prend soin des autres. (Elle démontre ici sa compréhension fine des dynamiques en jeu dans les groupes de K-pop, par exemple.)
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