# Semaine du 28 août 2023 ## Lundi 28 août Dire que c’est déjà la fin de l’été, c’est partir du principe qu’il y a eu un été pour commencer. À Sheffield, ça n’a pas été le cas. Le temps a été médiocre, les températures rarement au-dessus de 20°C. Mais été ou pas, septembre s’annonce déjà. Il faut préparer la rentrée universitaire. Un autre mois très occupé où il est impossible de profiter de l’été indien (si jamais un tel concept existe à cette latitude).  Et une fois que la rentrée est passée et que l’on peut respirer un peu mieux, l’automne est déjà bien installé. À Sheffield, cette saison se distingue assez peu de l’hiver : le temps est pourri et les températures tellement basses qu’il faut mettre le chauffage. Seul espoir dans cette grisaille frigorifiante : notre voyage en Thaïlande. --- ## Mardi 29 août L’envie d’acheter un nouveau stylo-plume a fait son retour.  Je fonctionne par cycles : ces envies reviennent toujours. Il suffit d’attendre patiemment. Peut-être même arriverai-je un jour à prévoir la date exacte. Pour le moment, ça reste un mystère. Je me console en me disant que je suis au courant de l’existence de ces cycles, à défaut d’en connaitre la durée et la (ré)apparition. C’est mieux que rien. Que vais-je acheter ? Je ne sais pas. À nouveau, j’ai été tenté par le Lamy 2000, mais seulement brièvement : j’ai peur qu’il écrive trop épais, même avec une plume extrafine. Dans le doute, il vaut mieux s’abstenir. Le problème avec ce hobby, en plus du fait que ça coute une blinde, c’est qu’une fois qu’on a choisi le stylo-plume, il faut ensuite choisir la bonne encre : chaque stylo mérite d’être marié à celle qui lui correspond. *A match made in Heaven*, pour ainsi dire. Je suis incapable de faire des choix (au restaurant, donnez-moi un menu avec deux options et j’hésiterai pendant des heures).  On n’imagine pas le calvaire : il ne suffit pas de déterminer la couleur, non, non… il faut aussi sélectionner la marque ! Je peux vous dire que Sisyphe et les Danaïdes l'ont eu plus facile. Nous vivons sous le joug du capitalisme, et c’est pourquoi nous devons endurer l’abondance que ce système nous impose. Du choix, du choix, du choix. Encore du choix. Toujours du choix. *Shopping therapy*, mon œil. --- ## Mercredi 30 août *Wedding Plan*, c’est fini. J’ai apprécié le format court : sept épisodes n’autorisent aucune longueur. C’était mignon, ça se termine bien (normal, c’est un BL — duh). En particulier, le dernier épisode est très bien fait, avec quelques scènes hilarantes. C’est rare de finir en beauté, mais MAME, la créatrice de la série, y parvient sans trop de mal. Mais, comme avec beaucoup de BLs, ça manque d’ambition. Sans parler de Namnuea qui manque de mordant… Et dans ce genre d’histoires (où le futur marié tombe amoureux de son wedding planner), des personnages narquois ou sarcastiques seraient presque une obligation : un caractère doux et mignon semble mal adapté à la situation. Dans *Wedding Plan*, il y a de nombreuses scènes où Lom est le top-dominateur typique et Nuea la donzelle effarouchée. Ces tropes sont les moins intéressants que le BL ait à offrir. J’irai même plus loin : ils n’existent que pour satisfaire un public féminin biberonné aux séries romantiques hétéros classiques. Quand le BL met en scènes ces tropes, il se range du côté de l’hétéronorme et cesse de proposer un discours intéressant sur l’amour ou le fait d’être queer. Il devient insipide : ça n’empêche pas de passer un bon moment (qui n’aime pas les sucreries ou la barbe à papa ?), mais aussitôt vu aussitôt oublié. --- ## Jeudi 31 août Il n’existe pas de BL idéal… N’importe quel trope fonctionne tant qu’on l’emploie intelligemment.  Je suis sûr qu’on finirait par me faire aimer un top dominateur et un bottom soumis (même si ce n’est pas gagné d’avance !).  Le problème, c’est quand l’équipe créatrice, ne souhaitant pas remettre en cause les lieux communs, préfère enfiler les clichés les uns après les autres. Elle produit une soupe indigeste, divertissante au mieux, au pire insupportable. (Imaginez le résultat quand on ajoute de mauvais acteurs.) Afin de donner naissance à des histoires intéressantes et mémorables, il faut aimer le genre du BL avec une passion féroce, mais cette dernière ne saurait être aveugle : un œil critique, porté sur la production précédente, est indispensable. Qui aime bien châtie bien. Sans exigence, on ne crée rien de bon. --- ## Vendredi 1 septembre Dans les Récits Péninsulaires, le patriarcat n’existe pas. La société tendrait davantage vers le matriarcat.  Très tôt, certaines évidences se sont imposées à moi : par exemple, la pudeur n’est pas une vertu féminine. Les deux sexes jouissent donc d’une sexualité libérée et décomplexée : les femmes n’ont pas à prétendre (l’injonction d’être une chaudasse respectable n’existe pas). Elles vivent leur vie sexuelle comme elles l’entendent, sans jugement, aidées en cela par des moyens de contraception efficaces. Elles peuvent être agressives si elles le souhaitent. Cela dépend de leur personnalité et non du rôle générique qu’on leur impose dès la naissance.  On attend des hommes qu’ils fassent usage de tous les outils de la séduction : vêtements plus variés, maquillage, etc. Le tout pour attirer l’attention et se démarquer des autres hommes (une observation rapide du monde animal démontre que ce sont les mâles qui doivent séduire les femelles ; ils ont les couleurs les plus extravagantes ; la femelle choisit qui elle veut parmi ses prétendants). La force n’est pas masculine et la douceur n’est pas le propre des femmes. Etc., etc.. Il suffit de regarder ce qui se passe sur Terre et de prendre le contrepied si j’en ai envie. C’est assez simple. Ce qui me pose problème, ce sont les gays et les lesbiennes. Surtout l’image, un peu cliché certes, mais assez correcte dans l’ensemble, que l’on se fait d’eux : le gay sensible et efféminé, qui aime la mode, et la lesbienne butch, heureuse d’avoir les cheveux courts et de s’habiller comme un homme. Que leur arrive-t-il sur la Péninsule ? Ces traits de démarcation se retrouvent-il (mais du coup, à l’opposé : le gay est sobre et n’attire pas l’attention ; la lesbienne aime le maquillage et les habits colorés — pour schématiser) ?  <center> * </center> J’ai un problème de définition. Je ne sais pas ce qu’est l’homosexualité. À mes yeux, elle va bien au-delà de la simple attirance pour son propre sexe : elle s’accompagne d’une série de comportements, à des degrés variables, qui nous placent aux marges de notre société. Nous ne semblons pas nous reconnaitre dans l’image de l’homme ou de la femme que le groupe nous impose.  De nos jours, l’homosexualité constitue l’essence de qui nous sommes : elle est tout autant identitaire que sexuelle. Ça n’a certainement pas toujours été le cas… mais je pense que cette « différence » a toujours été présente. Comment donc se traduit-elle dans mon monde ? Ce qui m’intéresse, ce sont les détails pratiques : gestuelles, habits, comportements. Qu’est-ce qui active le gaydar ? *I have no idea.* --- ## Samedi 2 septembre J’ai ramené *Consider This* de Chuck Palahniuk à la bibliothèque avant de l’avoir terminé. J’ai dû n’en lire qu’un quart. Cet ouvrage sur l’écriture m’est tombé des mains : la preuve, si besoin est, qu’il faut choisir ce genre de livres avec beaucoup de précaution. Il ne faut pas prendre des conseils de n’importe où ni de n'importe qui. Suivre des enseignements mal adaptés fait davantage de mal que de rester ignorant. Je n’ai jamais lu les romans de Chuck Palahniuk, mais ce qu’il dit sur l’art de raconter des histoires ne me parle absolument pas (j’ai dû trouver un ou deux conseils applicables).  J’ai parcouru certaines pages avec incrédulité, me demandant si on parlait du même art. Il aurait pu habiter une autre planète… Et peut-être que c’est le cas : la littérature réaliste, celle qui se prend pour la Littérature (avec une majuscule), ne partage pas le même langage, les mêmes codes, que les littératures de genre.  C’est un peu comme aller étudier la cuisine occidentale dans l'espoir de devenir un pro de la cuisine chinoise : ce n’est pas adapté ; les ingrédients ne sont pas les mêmes, les gouts diffèrent pareillement. --- ## Dimanche 3 septembre Je travaille dans une université anglaise. Au quotidien, je suis entouré de gens dont les diplômes prouvent qu’ils sont « intelligents »… Mon expérience rejoint ce qu’affirme David Robson dans *The Intelligence Trap* : « *Intelligent and educated people are less likely to learn from their mistakes, for instance, or take advice from others. (…) And when they do err, they are better able to build elaborate arguments to justify their reasoning, meaning that they become more and more dogmatic in their views. Worse still, they appear to have a bigger “bias blind spot”, meaning they are less able to recognise the holes in their logic.* » --- Navigation : [[20_PublicDiary]] [[Semaine du 2023-08-21|Semaine précédente]] - [[Semaine du 2023-09-04|Semaine suivante]]