# Semaine du 03 juin 2024
## Lundi 03 juin
Je regarde Ă nouveau *Lost Romance*, une sĂ©rie taĂŻwanaise de vingt Ă©pisodes (1 h 10 chacun), oĂą la protagoniste se retrouve projetĂ©e dans une romance. Éditrice et fine connaisseuse du genre, elle dĂ©cide de sĂ©duire l’*overbearing CEO* en utilisant sa connaissance des tropes romantiques.Â
C’est exactement ce que j’aimerais écrire : un roman qui est en même temps un commentaire du genre auquel il appartient. Une romance sur l’univers des romances !
Pour relier cette entrée à celle de [[Semaine du 2024-05-27|vendredi dernier]], *Lost Romance* appartient certainement au genre de l’isekai.
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## Mardi 04 juin
« Les rêves ne sont pas des inventions intentionnelles et volontaires, mais au contraire des phénomènes naturels et qui ne diffèrent pas de ce qu’ils représentent. Ils n’illusionnent pas, ne mentent pas, ne déforment ni ne maquillent ; au contraire, ils annoncent naïvement ce qu’ils sont et ce qu’ils pensent. Ils ne sont agaçants et trompeurs que parce que nous ne les comprenons pas. \[…] L’expérience montre \[…] qu’ils s’efforcent toujours d’exprimer quelque chose que le moi ne sait et ne comprend pas. » (C.G. Jung, *Psychologie et éducation*)
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## Mercredi 05 juin
De Jung, j’aime son travail sur les symboles, les mythes et les archétypes. Je le préfère à Freud, qui ne m’a jamais emballé. (Trop paternaliste, certainement.)
Un écrivain ne peut qu’être séduit par les recherches de Jung : après tout, la littérature se nourrit elle aussi de cette matière mythique et symbolique.
La seconde partie du livre de FrĂ©dĂ©ric Lenoir est consacrĂ©e Ă l’exposĂ© de ses idĂ©es (anima/animus, synchronicitĂ©, persona, le Soi, etc.). Je m’aperçois que j'ai aimĂ© davantage la première partie qui Ă©tait biographique. Les deux sont bien Ă©crites, dans une langue simple et claire, mais une biographie me parle plus que des dĂ©finitions et des concepts.Â
J’ai un gout certain pour la réflexion, comme en témoigne ce journal, mais assez peu finalement pour la théorie, surtout si elle m’apparait déconnectée de la (/ma) réalité. J’éprouve le même ennui que lorsque je lis un texte sur le stoïcisme qui s’efforce d’exposer ce qui en relève et ce qui n’en relève pas. J’aime la philosophie pratique, car elle nous enseigne comment mieux vivre ; je n’aime pas quand la recherche de la sagesse s’enferme dans sa tour d’ivoire.
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## Jeudi 06 juin
Chaque semaine, invariablement, la newsletter de Courtney Milan me parle. Je n’ai jamais lu ses romans, mais ce qu’elle raconte dans son *Weekly Tea* semble trouver un écho en moi. J’apprécie cette résonance. Nous avons peut-être une personnalité similaire ; je ne peux pas le savoir : elle vit à l’autre bout du monde.
Aujourd’hui, grâce Ă elle, j’ai mĂ©ditĂ© sur la place de l’amour inconditionnel dans ma vie. C’est un concept d’autant plus intĂ©ressant qu’il m’est Ă©tranger. L’homo que je suis ne semble connaitre que l’amour conditionnel : je dois me comporter de telle ou telle sorte pour que la sociĂ©tĂ© me tolère (ou m’aime). MĂŞme quand je m’émancipe de l’hĂ©tĂ©ronorme, je ne me dĂ©barrasse pas facilement de la vision du monde (et de moi) que j’ai construite sous son joug.Â
Vivre l’amour inconditionnel, c’est faire l’expérience *dans sa chair, dans ses os* (et pas seulement en théorie), d’une vérité tellement simple qu’elle en apparait révolutionnaire : être au monde, tel que l’on est, sans avoir besoin de faire quoi que ce soit, est suffisant pour mériter l’amour, non seulement des autres, mais surtout de soi.
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## Vendredi 07 juin
« Plus la raison critique prédomine, plus la vie s’appauvrit ; mais plus nous sommes aptes à rendre conscient ce qui est inconscient et ce qui est mythe, plus est grande la quantité de vie que nous intégrons. La surestimation de la raison a ceci de commun avec un pouvoir d’état absolu : sous sa domination, l’individu dépérit. » (C.G. Jung, *L’Homme et ses symboles*)
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## Samedi 08 juin
Ces dernières annĂ©es, les Ĺ“uvres qui m’ont inspirĂ© sont principalement audiovisuelles. C’est encore le cas avec *The Atypical Family* (sur Netflix). Le scĂ©nario est extrĂŞmement bien menĂ© et les personnages attachants. Que demander de plus ? Une version gay, Ă©videmment.Â
Je passe une grande partie de mon temps Ă me demander comment traduire de telles histoires.Â
Traduire… Non pas au sens linguistique, mais aux sens gĂ©nĂ©rique et social. Comment passe-t-on de l’écran Ă la page ? Quels sont les Ă©lĂ©ments qui doivent changer et ceux qui peuvent rester tels quels afin de produire un effet similaire ?Â
Mais aussi : comment passe-t-on d’une histoire hétéronormée asiatique à une romance homosexuelle occidentale ? (Il ne me viendrait jamais à l’idée d’écrire un roman qui se passe en Asie si je n’y vivais pas moi-même.) En particulier, que faire des tropes du mariage dans une histoire gay ?
Si j’effectuais toutes ces modifications, est-ce que l’histoire me plairait autant ? Devinerait-on encore la version originale ?
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## Dimanche 09 juin
Peu importe si l’idĂ©e est extravagante ou ridicule Ă première vue, l’essentiel est de la rendre crĂ©dible. L’exĂ©cution est donc ce qui importe le plus. La lectrice acceptera l’impossible ou l’improbable tant que l’histoire est bien faite et que tous les Ă©lĂ©ments du rĂ©cit vont dans le mĂŞme sens. C’est ainsi que l’on crĂ©e la vraisemblance.Â
Est vraisemblable ce qui est crĂ©dible Ă l’intĂ©rieur du rĂ©cit. Si le lecteur accepte de suspendre son incrĂ©dulitĂ©, c’est parce que l’autrice promet une histoire logique qui fait sens…Â
Dans certains genres (comme la SFFF), cette logique est interne : une école de sorciers dans un Archipel où existent des dragons est vraisemblable seulement si les règles de ce monde (cà d le *worldbuilding*) le permettent. Savoir si une telle école existe dans notre réalité est sans importance : *Terremer* n'en est pas moins crédible aux yeux du lecteur.
L'erreur, me semble-t-il, c'est de croire que la vraisemblance naît d'une reproduction servile du réel.
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