# Semaine du 09 décembre 2024
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## Lundi 09 décembre
Le retour a Ă©tĂ© long, mais nous sommes revenus sur les rives anglaises, lĂ oĂą les tempĂ©ratures sont si basses et la lumière si grise qu’on se croirait vivre dans l’au-delĂ . De porte Ă porte, le voyage a durĂ© vingt-huit heures : c’est long, mais insuffisant pour se prĂ©parer Ă ce qui nous attendait.Â
Comme prĂ©vu, Thai Airways a Ă©tĂ© mĂ©diocre : deux repas seulement pour treize heures de vol, dont un tout particulièrement infect. Nous ne volerons donc plus Ă l'international avec eux.Â
Seule consolation dans toute cette triste affaire : nos chats, plus ou moins heureux de nous retrouver.
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## Mardi 10 décembre
Ils ont arrĂŞtĂ© *the Adjuster*, surnom donnĂ© Ă l’assassin de Brian Thompson. C’est Luigi Mangione, 26 ans.Â
Il est un cauchemar pour la classe dirigeante : blanc, beau, intelligent (il Ă©tait le *valedictorian* de son lycĂ©e privĂ©), issu d’un milieu très aisĂ©. Bref, il avait tout pour lui. Pourquoi quelqu’un issu de leurs rangs ferait-il ça ?Â
Tout aurait été plus simple s’il avait été pauvre et noir… Voyons comment les médias vont se dépatouiller avec ça !
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## Mercredi 11 décembre
J’ai ramené de ce voyage en Thaïlande plusieurs livres : les deux romances gays achetées au début du séjour, deux essais (*Abundance* de Deepak Chopra & *101 Essays That Will Change The Way You Think* de Brianna Wiest) et quatre romances MM de Tom F Klein qui se passent en Thaïlande : *Neon Love*, *Paradise Partners*, *Romance Under the Banyan Tree* et *Espresso Hearts*.
J’ai déjà lu *Neon Love*, le premier roman de cet auteur allemand d’expression anglaise, joliment écrit, qui a les défauts d’un premier roman justement : l’intrigue n’est pas bien menée (la seconde partie de ce bref roman est assez mauvaise), les dialogues sonnent souvent creux et il y a trop de bons sentiments, ce qui nuit à la tension narrative. Je suis peut-être dur, mais je ne pense pas que ça soit bien grave pour une première publication : il est normal de ne pas tout maitriser dès le départ. Je lirai les autres romans sans apriori et avec plaisir.
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## Jeudi 12 décembre
Mon idĂ©e est simple : Ă©crire un essai, ou une sĂ©rie de miniessais, sur l’homoromance.Â
Deux problèmes se posent : 1) il y a finalement peu d’écrits thĂ©oriques sur le sujet (oĂą vais-je trouver mon inspiration ?) ; 2) je ne sais pas quelle forme lui donner.Â
Puisque je ne suis pas universitaire, il n’y a aucun intérêt à adopter une forme convenue et un ton neutre. Je sens qu’il faut que j’écrive un essai personnel, que ça soit comme une conversation légère entre amis, sans me prendre au sérieux.
Peut-être un abécédaire conviendrait-il. J’ai beaucoup aimé *Un savoir gai* de William Marx justement.
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## Vendredi 13 décembre
« Ma théorie est que nous vivons à l’ère des récits visuels et que cela influence de plus en plus notre façon d’écrire. Le cinéma, la télévision, les TikToks et les jeux vidéos sont les médias dominants de notre culture. La plupart d’entre nous apprennent à raconter des histoires grâce aux supports visuels. C’est ainsi qu’on a enseigné à notre cerveau à penser une histoire. C’est donc ainsi que nous écrivons. Je ne veux pas dire qu’être influencé par ces formes d’art est problématique. Je le suis moi-même. Le problème, c’est que si vous “pensez pour la télévision” tout en écrivant de la prose, vous abandonnez les avantages de la prose sans bénéficier des avantages de la télévision. » (Lincoln Michel, dans sa newsletter *Counter Craft*, 12/12/2024)
Nous voyons aussi ce phénomène à l’œuvre dans la prolifération des récits au présent, croyant que ce temps renforce le sentiment d’immédiateté (le « temps caméra », pour ainsi dire), mais nous oublions que le présent dans le récit s’exprime naturellement au passé simple. Comme dit Le Guin, « partir du principe que le présent est “maintenant” et que les temps du passé sont littéralement éloignés dans le temps, c’est faire preuve de beaucoup de naïveté. »
Une conséquence tragique de la dictature du visuel est la disparition progressive de l’intériorité : les auteurices contemporain·es passent peu de temps à décrire « les espoirs, les rêves, les craintes, les pensées, les souvenirs ou les réactions de leur personnage. (…) Lorsque l’intériorité apparait sur la page, elle est souvent brève et redondante avec les dialogues et l’action (1). Tout cela est bien dommage. L’intériorité est peut-être le meilleur exemple d’un avantage que la prose, en tant que médium, possède sur les autres formes d’art. »
L’intĂ©rioritĂ© est ce qui donne de la profondeur au rĂ©cit, mais elle va aussi Ă l’encontre de l’immĂ©diatetĂ© tant recherchĂ©e par certaines autrices. Dans une sociĂ©tĂ© oĂą tout doit aller vite, tout ce qui pourrait ralentir le rythme est Ă Ă©viter. La peur d’ennuyer le lecteur pousse mĂŞme certains Ă enfiler les descriptions d’action, comme si le rĂ©cit Ă©tait une simple camĂ©ra. On retrouve ce phĂ©nomène dans les romances, pourtant le genre par excellence de l’expression des sentiments !Â
Peut-être est-il bon aussi de rappeler qu’une narration à la première personne (qui semble être de rigueur de nos jours) ne garantit pas l’expression de cette intériorité. « Je » n’indique pas mieux les sentiments du protagoniste qu’« il » ou « elle ». Mais certains lecteurs naïfs affirment mordicus qu’un récit à la troisième personne les empêche de s’identifier au personnage principal. (Gageons que ce sont ces mêmes lecteurs que le passé simple indispose.)
(1) Il donne l’exemple romantique suivant : « Sarah fixait les lèvres pulpeuses de Tim. *J’espère qu’il va m’embrasser*, pensa-t-elle. “Vite. Embrasse-moi”, dit-elle en se rapprochant de lui. »
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