# Semaine du 17 mars 2025 *Ces entrées appliquent l’orthographe rectifiée. Adieu les petits accents circonflexes ! Pour recevoir gratuitement ma newsletter qui propose une édition mensuelle de ce Journal, c'est par [ici](https://enzodaumier.substack.com).* ## Mercredi 19 mars Dans son article du jour, Thierry Crouzet annonce son départ de Facebook et autres plateformes technofascistes.  En note finale, il conseille ce [petit guide](https://www.optoutproject.net/the-cyber-cleanse-take-back-your-digital-footprint/) qui explique la marche à suivre pour récupérer le contrôle de ses données. Je l’ai parcouru avec grand intérêt, mais, quand on voit tout ce qu’il faut faire pour se désempêtrer du technofascisme, ne nous étonnons pas que seule une minorité s’y emploie. Ces solutions, bien que nécessaires, ne sont pas viables pour le grand public. --- ## Jeudi 20 mars Meta, jusqu’à quand abuseras-tu de notre patience ? Même mes œuvres (!) se retrouvent dans la [base de données](https://www.theatlantic.com/technology/archive/2025/03/search-libgen-data-set/682094/) que la compagnie mère de Facebook a utilisé pour entrainer son IA.  Ma relation au piratage a toujours été ambigüe. Je regrette son existence, mais je suis pragmatique. Je ne vois guère d’intérêt à partir en croisade comme certain·es le font. Par ailleurs, je me méfie toujours de ces « purs » qui clament haut et fort leur supériorité morale, mais qui ne valent pas mieux que les autres quand on examine leurs actions. Que celui ou celle qui n’a jamais consommé des œuvres piratées lance donc la première pierre ! Je n’aime pas les hypocrites. Si je tolère le piratage sur le plan individuel, je n’accepte pas que les entreprises s’y adonnent pour faire davantage de profits. Ce type d’exploitation, qui se parerait presque des oripeaux de la philanthropie (« on le fait pour le bien de l’humanité, blablabla. »), m’énerve au plus haut point.  Mais ce qui me surprend le plus dans cette affaire, c’est ma réaction sur le moment : j’ai été interloqué, j’en ai même rigolé. Pas de colère. Pas de fureur. Un léger agacement, peut-être. --- ## Vendredi 21 mars En ce moment, mon intérêt pour la romance et les séries TV vacille un peu. Je regarde une poignée de shows (*Gelboys*, *Golden Blood*, *Perfect 10 Liners*, etc.), mais guère plus. Ce genre d’envie va et vient au rythme des saisons. Nul doute que mon environnement familial et professionnel l’influence pareillement.  Je préfère passer mon temps à méditer (j’essaye d’intégrer cette pratique à mon quotidien) et à lire des articles sur le net, tout en essayant de me protéger de l’actualité internationale anxiogène (*good luck with that*). --- ## Samedi 22 mars Au sujet de l’*Ode à un rossignol* de John Keats : « Keats avait écrit que le poète doit donner des poèmes naturellement, comme l’arbre donne des feuilles ; deux ou trois heures lui suffirent pour composer cette page d’une inépuisable et insatiable beauté, qu’il devait à peine polir par la suite (…).  Le rossignol, dans toutes les langues de la planète, est pourvu de noms mélodieux (*nightingale, nachtigall, usignolo*), comme si les hommes avaient instinctivement voulu que ces noms fussent dignes du chant qui avait fait leur admiration. Les poètes ont tellement exalté l’oiseau qu’il en est devenu un peu irréel ; plus proche de l’ange que de l’alouette. » (Jorge Luis Borges, *Autres inquisitions*, 1952) --- ## Dimanche 23 mars L’artiste et écrivaine Lucie Choupaut, dans sa newsletter du 02 mars 2025, propose une [digression](https://luciechoupaut.substack.com/p/de-la-litterature-de-lefficacite) autour de ce passage de *Toute une moitié du monde* (2022) d’Alice Zeniter : « Un des modes de lecture dont il faudrait se défaire, c’est celui que Vincent Message décrit comme animé par une logique économique capitaliste : est-ce que ce chapitre, cet élément, cette page, sert à quelque chose ? » (p.107) J’ai trouvé les réflexions de Choupaut très intéressantes. En particulier ce passage, qui résume aussi mon avis sur la question : « \(…) Revenons sur cette histoire d’efficacité comme signe de la gangrène capitaliste. Je ne suis pas d’accord avec le passage cité plus haut. Je ne crois pas qu’en tant que lecteurice, le fait d’attendre d’un élément, d’une page ou d’un chapitre qu’il serve à quelque chose soit nécessairement lié à une logique économique capitaliste. Par ailleurs, je ne crois pas qu’il faille se défaire de cette attente. En allant plus loin, je ne suis même pas certaine que ce soit souhaitable. Je ne crois pas que le fait de ne pas vouloir perdre son temps soit le signe d’une colonisation de nos esprits par le capitalisme. Selon moi, notre temps sur terre étant limité, on a surtout envie de jouir de notre vie et de ne pas se faire chier. » <div align="center"> * </div> Plus généralement, j’ai l’impression que beaucoup d’intellectuels ont du mal à accepter le fait que la littérature, celle qui divertit et qui s’adresse au grand public, puisse être autre chose que capitaliste… Dans un raccourci paresseux de la pensée, la difficulté, l’ennui, voire l’imbitabilité du texte, sont les preuves que l’on a affaire à une œuvre littéraire et non à une marchandise. Grave erreur ! La lecture doit être un plaisir avant tout. Parfois, ce plaisir est intellectuel ; parfois, il est émotionnel. Dans tous les cas, chaque passage, chaque page, chaque élément doit servir à quelque chose : produire un effet de lecture. Cet effet, c’est l’auteurice qui le détermine en fonction de sa vision artistique ou de sa poétique, et du lecteur idéal qu'iel s'imagine. --- [[Semaine du 2025-03-10|Semaine précédente]] - [[Semaine du 2025-03-24|Semaine suivante]]