# Semaine du 07 avril 2025
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## Lundi 07 avril
Durant mon adolescence, l’imaginaire m’a permis de survivre dans un environnement que je sentais hostile à mon égard et qui ne m’inspirait pas. Je lisais de la Fantasy épique ; je vivais dans mon propre monde secondaire.
Puis, quand je suis parti loin, très loin, Ă l’étranger, sur d’autres rivages, l’écriture fictionnelle a offert un cadre Ă ma curiositĂ© (ou une direction), elle m’a servi d’excuse pour interagir avec ce nouvel environnement qui pouvait ĂŞtre intimidant Ă l’occasion.Â
Comprendre : je suis sorti de ma coquille pour les besoins de l’art (huhu — peut-ĂŞtre devrais-je mettre une majuscule pour faire plus pompeux — les besoins de l’Art !).Â
L’exploration d’Oxford, de son histoire et de la vie locale a donnĂ© naissance Ă la trilogie *Tendres Baisers d’Oxford*, au *Youtubeur* et, dans un registre fantastico-Ă©sotĂ©rique, Ă *Dormeveille College*.Â
Ma vie alimentait mon œuvre. Mon œuvre alimentait ma vie. J’étais parvenu à intégrer l’ici et le maintenant dans ma fiction. J’étais joie !
Puis il y a eu Sheffield.Â
Sheffield la Grise, avec son héritage industriel, ses cieux nuageux, sa rude âme du Nord. Ce n’est pas mon imaginaire. J’ai vraiment essayé de le faire mien, mais je n’y suis pas parvenu. Le Brexit, la covid, les folies politiques du Royaume-Désuni… Tout cela a certainement contribué à mon échec. C’est dommage, car je suis convaincu que Sheffield est la ville parfaite pour un polar.
Ô tragique destinée ! *Poor meeee*! Je veux écrire des romances *fluffy*, qui font rêver, qui *me* font rêver, bon sang de bonsoir ! Pas des polars ! *Get me out of here*!
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## Mercredi 09 avril
Cela fait quelques jours que je lis *Into The Stillness : Dialogues on Awakening Beyond Thought*, la transcription d’une série de discussions entre Gary Weber et Richard Doyle (Professeur au département d’anglais de l’Université d’État de Pennsylvanie).
Je l’ai dĂ©couvert en faisant des recherches sur la mĂ©ditation et sur Gary Weber, un nom mentionnĂ© dans *Why Buddhism Is True* (Robert Wright) et qui m’était inconnu.Â
Il m’a fallu lire 40 % de cet ebook pour comprendre quelque chose qui était pourtant dans le titre : la véritable absence de pensée. Naïvement, je croyais qu’il s’agissait d’une métaphore, d’une manière imagée de parler de l’état calme dans lequel nous plonge une pratique intensive et prolongée de la méditation. Grave erreur !
Après avoir longtemps pratiqué la méditation non-duelle, Gary Weber est parvenu à ne plus avoir de pensées. Même lorsqu'il ne médite pas !
Impensable, me direz-vous, mais pourtant bien vrai !
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## Vendredi 11 avril
En vérité, ce qui a disparu chez Gary Weber, c’est le narrateur, cette voix qui commente tout ce que l’on fait dès que le cerveau n’est pas concentré sur une tâche. Le « Je, moi, mien », infatigable, qui nous pourrit très souvent l'existence. Cette illusion, très puissante, qui consiste à nous faire croire que le « je » existe, mais qui se dissout dès qu’on l’examine de plus près (« on » désigne ici les esprits curieux qui s’interrogent sur leurs pensées et ce qui se passe dans leur psyché, évidemment).
C’est tout aussi fascinant que flippant. Gary Weber dĂ©montre par la pratique ce que les neurosciences savent depuis quelques annĂ©es : ce narrateur est un escroc. Il affirme faire les choses (*j*'ai eu une idĂ©e, *j*'ai rĂ©solu ce problème, etc.…), mais, en rĂ©alitĂ©, d’autres parties du cerveau (appelons-les des « modules ») font le travail en toute indĂ©pendance. Évidemment, c’est lui qui bâtit notre personnalitĂ©, cristallise nos gouts et nos dĂ©gouts (d’oĂą la souffrance, l’insatisfaction avec laquelle nous vivons au quotidien), etc. Mais le reste, tout ce qui nous permet de fonctionner, est produit par d’autres modules : ce n’est pas lui qui se souvient des mots que l’on emploie ou qui est capable de dĂ©terminer ce que l’on va manger Ă midi, par exemple. Ce n’est mĂŞme pas lui qui pense. Il est juste le Responsable du Blabla.Â
Aussi incroyable que cela puisse paraitre, Gary Weber vit très bien sans ces pensées-là (jusqu’à ce que ça lui arrive, lui aussi avait des doutes). On trouve de nombreuses vidéos sur YouTube où il décrit son expérience… pour ceux et celles que ça intéresse.
Je ne crois pas que j’aimerais faire taire mon « je » au point de le faire disparaitre, comme chez Weber, mais je ne serais pas opposé à ce qu’il se la ferme la plupart du temps. Ça serait bien d’avoir un peu de paix… car se demander à deux heures du matin si Monique de la compta nous en veut, suite au regard peu amène qu’elle nous a lancé dans le couloir le matin même, n’est pas vraiment utile à notre survie ou à notre bienêtre (surtout lorsqu’on devrait dormir !).
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## Samedi 12 avril
Aujourd’hui, c’est le retour de *Doctor Who*. J’adore cet univers, donc c’est toujours une joie de retrouver le Doctor, mais il devient de plus en plus difficile de nier que ça s’essouffle.Â
« *The Robot Revolution* » n’est pas mauvais, les acteurs sont très bons et le personnage de Belinda est prometteur, mais ce premier Ă©pisode n’a rien d’original ou de bouleversant (la rĂ©fĂ©rence aux incels est bienvenue, mais ça ne va pas plus loin). J’ai trouvĂ© les dialogues assez pauvres et les situations convenues (*same old, same old*).Â
Peut-être est-il temps de faire une pause et de produire des spin-offs à la place ?
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## Dimanche 13 avril
La curiosité est une qualité de l’esprit qui n’est pas sans risque : *curiosity killed the cat*, comme on dit par chez moi. Cela s’applique également à la tolérance : tolérer l’intolérance est une ânerie de première classe (à bas l’extrême droite !).
Mais, malgrĂ© ces risques, ce sont, Ă mes yeux, deux vertus que l’on devrait cultiver sans rĂ©serve. Elles sont les piliers fondamentaux de mon humanisme, c’est-Ă -dire de ma manière de voir le monde et d’agir dans le monde.Â
Ce qui a de bien avec elles, c’est que l’on peut toujours aller plus loin : questionner ses croyances, se mettre Ă la place des autres et essayer de comprendre leur point de vue, mĂŞme quand ça heurte notre sensibilité…Â
La curiosité et la tolérance n’ont rien de rassurant : si elles le sont (tout le temps), c’est que l’on s’y prend mal. Il est bon de flirter avec l’inconfort qu’elles peuvent susciter. C’est là que l’on apprend le plus (sur soi et sur le monde).
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