# Semaine du 26 mai 2025
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## Mercredi 28 mai
L’auteurice ésotérique me perd dès qu’iel affirme que tel ou tel phénomène était présent dès l’Antiquité sans citer la moindre source. (On dirait ces fameuses intros de dissertation en lettres ou en philo : « depuis la nuit des temps… ».)
Je ne me considère pas comme historien, mais je suis passé par une hypochartes, puis quelques années plus tard, par l’École Pratique des Hautes Études… Spontanément, j’aime retracer l’arbre généalogique d’une idée, d’un courant de pensée, d’une philosophie ou d’une religion (chacun son plaisir). Sur les bancs de l’Université, j’ai été sensibilisé à l’histoire de la transmission des savoirs et des textes, de l’Antiquité à nos jours. Même les idées ont une histoire.
Je sais aussi reconnaitre un argument d’autoritĂ© quand j’en vois un.Â
Mentionner des origines antiques sans jamais Ă©tayer son propos n’a pas l’effet escomptĂ© sur moi : je dĂ©croche aussitĂ´t, lève les yeux au ciel et un « *bullshit* » s’échappe de mes lèvres.Â
Quand je lis un essai ésotérique, j’essaye — autant que faire se peut — d’entrer dans le texte sans aucun à priori afin de pouvoir voir le monde à travers les yeux de l’auteur. Mes croyances n’entrent pas en jeu, ou le moins possible. Je suspends mon incrédulité. Le jugement viendra plus tard, une fois que j’aurai pesé les arguments et les contrarguments.
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## Jeudi 29 mai
Prenons l’exemple des [annales akashiques](https://fr.wikipedia.org/wiki/Annales_akashiques).Â
Dans un manuel qui explique ce que sont ces fameuses annales éthérées et comment y accéder (ne me demandez pas comment j’ai atterri là -dedans), son autrice affirme que le concept de mémoire universelle était présent sous d’autres noms dès l’Antiquité et dans d’autres civilisations. *Why not…*
Je veux bien entretenir cette possibilitĂ© dans mon esprit mais, pour que je la prenne un minimum au sĂ©rieux, j’attends qu’elle me dise lesquels et dĂ©veloppe un peu…Â
Certes, ce n’est pas un essai historique ; les lecteurices se fichent de savoir les origines *dans le détail*… mais si cette autrice est incapable de développer un tantinet, qu’elle se contente alors d’écrire que ce concept apparait pour la première fois sous la plume d’Helena Blavatsky en 1877 et que c’est C. W. Leadbeater qui forge cette expression (*Akashic records*) en 1899.
Évidemment, c’est plus classe de dire que ça existait du temps de Moïse ou d’Hermès Trismégiste, de Platon ou de Pythagore… Concluons donc que, pour tout ce qui touche à l’ésotérisme, les concepts vieux de moins de cent cinquante ans ne cassent pas trois pattes à un canard et ont besoin d’un parentage prestigieux.
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## Vendredi 30 mai
Et si vous souhaitez vraiment savoir comment j’en suis venu aux annales akashiques, allez Ă©couter quelques Ă©pisodes de *Breakdown*, le podcast de Mayim Bialik, docteure en neurosciences et actrice (*The Big Bang Theory*).Â
Depuis janvier, elle et son partenaire sont fascinĂ©s par *The Telepathy Tapes*, un autre podcast qui a fait parler de lui en dĂ©but d’annĂ©e aux États-Unis et qui s’est attirĂ© les foudres de la communautĂ© scientifique (*Conspirituality* lui a mĂŞme consacrĂ© un [Ă©pisode](https://www.conspirituality.net/episodes/241-unravelling-the-telepathy-tapes), que je conseille).Â
Dans *Breakdown*, ils explorent, entre autres, les interactions entre science et phénomènes extrasensoriels, avec des invités issus des deux mondes : des scientifiques, des pseudoscientifiques (!), des sceptiques, des médiums, des gourous de la spiritualité *new age*, etc.
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## Samedi 31 mai
« Ce que l’IA _est_, c’est une idéologie — un ensemble d’idées qui s’est emparé non seulement de l’industrie technologique, mais aussi d’une grande partie du monde politique (à gauche et à droite), de la majorité de ceux qui possèdent des actifs de plusieurs millions et plus, et, on dirait bien, d’une portion grandissante du milieu journalistique. L’idéologie elle-même n’est pas nouvelle — il s’agit de cet ancien système de suprématie, qui accorde soins et confort à certains tout en condamnant les autres à la servitude et à la pénurie — mais elle a été actualisée afin de plaire à l’ère tardive du capitalisme numérique que nous traversons, c’est un nouveau manteau tape-à -l’œil pour les aspirants empereurs d’aujourd’hui. » (Mandy Brown, [*A Working Library*](https://aworkinglibrary.com/writing/toolmen), 30/05/2025)
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## Dimanche 01 juin
Les récits d’Expériences de Mort Imminente (EMI), ou *Near-Death Experiences* en anglais (NDE), ont de quoi nous interloquer. Ils permettent aux scientifiques d’explorer la nature de la conscience humaine (*human consciousness*) et, si nous partons du principe que les EMI ne sont pas de simples hallucinations, ils lèvent le voile sur ce qui nous attend peut-être au moment de mourir.
Bruce Greyson, de l’Université de Virginia, est le spécialiste mondialement reconnu dans ce domaine. Tout au long de sa carrière, il a recueilli des centaines de témoignages, qu’il a patiemment analysés et vérifiés. Dans cet [article](https://med.virginia.edu/perceptual-studies/wp-content/uploads/sites/360/2017/01/NDE76-Japanese-and-western-JNDS.pdf) de 2014, il analyse les différences entre les récits occidentaux et japonais afin de mettre en lumière les influences religieuses et culturelles.
Avec son coauteur de l’université de Chubu (Masayuki Ohkado), il note trois différences principales : (1) la lumière vive, perçue comme personnification de Dieu chez les Occidentaux (sous l’influence du christianisme), n’a pas de personnalité chez les Japonais ; (2) le paradis n’a pas non plus les mêmes attributs : « ville de lumière » chez nous, c’est le plus souvent un jardin en fleur au Japon ; (3) les Japonais ne voient pas leur vie défiler devant leurs yeux (*panoramic life review*).
Les auteurs remarquent aussi que les Occidentaux font l’expérience d’un amour inconditionnel tandis que les Japonais éprouve une intense euphorie. Deux interprétations différentes, donc, pour, semble-t-il, un même phénomène.
Ă€ ce sujet, et comme explication, ils rapportent cette anecdote :Â
Le célèbre romancier Natsume Sōseki (1867–1916), « en tant que professeur d’anglais, se serait mis en colère contre un étudiant qui avait traduit la phrase anglaise “I love you” en japonais par “Aishiteru \[Je t’aime]”, parce que cette expression n’est pas utilisée quotidiennement par les Japonais, et lui aurait demandé de la traduire par “Tsuki ga tottemo aoi kara \[La lune est vraiment bleue]”. Bien que l’expression “Aishiteru \[Je t’aime]”, que Natsume aurait incité les étudiants à ne pas utiliser, soit désormais largement acceptée dans les œuvres littéraires, la plupart des Japonais ne l’utilisent toujours pas au quotidien. »
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