# Semaine du 14 juillet 2025
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## Lundi 14 juillet
En ce moment, l’algorithme de YouTube me propose de nombreuses vidĂ©os sur les religions.Â
J’ai ainsi découvert la chaine *Religion for Breakfast*, qui présente les religions du monde entier dans un format accessible, avec sérieux et clarté, mais aussi l’Oxonien Alex O’Connor, qui a consacré quelques épisodes de son podcast *Within Reason* au gnosticisme et aux évangiles apocryphes.
Mais c’est la vidĂ©o de [Mindshift](https://www.youtube.com/@MindShift-Brandon) sur le jaĂŻnisme, qui m’a le plus interpelĂ©. IntitulĂ©e « *Why Atheists Love Jainism: A Religion Without a God?* », elle s’intĂ©resse Ă la philosophie et aux pratiques de cette religion indienne qui semble si Ă©loignĂ©e des prĂ©occupations des religions abrahamiques (judaĂŻsme, christianisme et islam).Â
Deux Ă©lĂ©ments qui ont de quoi nous surprendre, nous autres Occidentaux : elle est rĂ©solument non-violente (oubliez donc les guerres de religion si frĂ©quentes dans notre partie du monde) et n’est pas prosĂ©lyte (ce qui doit expliquer pourquoi cette vieille religion n’a que 10 millions d’adeptes Ă travers le monde).Â
Selon le philosophe Sam Harris, le jaïnisme permet de voir l’extrémisme religion sous un autre angle :
« Le jaïnisme est en fait une religion de paix. Le principe fondamental du jaïnisme est la non-violence. Gandhi tient sa non-violence des jaïns. Plus vous devenez fou en tant que jaïn, moins nous devons nous inquiéter pour vous. Les extrémistes jaïns sont en fait paralysés par leur pacifisme. Ils ne peuvent pas quitter le sol des yeux lorsqu’ils marchent, car ils pourraient écraser une fourmi. Ils filtrent chaque gorgée d’eau à travers une étamine, de peur d’avaler et de tuer un insecte. Inutile de dire qu’ils sont végétariens.
Remarquez que le problème n’est pas l’extrémisme religieux, car l’extrémisme n’est pas un problème si vos croyances fondamentales sont réellement non violentes. »
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## Mercredi 16 juillet
Je suis assez peu l’actualitĂ© française en ce moment… mais dites donc, on ne s’ennuie pas durant les mois d’étĂ© dans l’Hexagone.Â
Supprimer deux jours fériés, fallait oser. Il semble que la classe dirigeante, poussant le bouchon toujours plus loin, aime prendre le peuple pour des cons. Et appeler cela un « moment de vérité »… Du grand art !
*Quousque tandem abutere, Bayrou, patientia nostra ?*
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## Jeudi 17 juillet
J’ai Ă©tĂ© incapable de terminer la saison 1 de *The Sandman*… mais j’ai Ă©tĂ© fascinĂ© par les six premiers Ă©pisodes de la seconde saison, que j’ai dĂ©vorĂ©s en une soirĂ©e (la suite sort la semaine prochaine).Â
Pourquoi cette nouvelle saison me plait-elle davantage ? Je n’en sais rien.Â
Peut-être parce qu’elle est moins ancrée dans notre monde contemporain et qu’elle explore les relations compliquées des Endless. Dream m’agace toujours autant (faut croire que j’aime assez peu les ténébreux anémiés et dépressifs) mais j’aime beaucoup Death et Desire. Delirium a fini par me charmer, mais il a fallu plusieurs épisodes pour cela.
Pendant que je regardais la séquence sur Ishtar, quelques souvenirs de la saison 1 me sont revenus en mémoire… avant que je ne réalise qu’il s’agissait de scènes d’*American Gods* !
*The Sandman*, *American Gods*, bonnet blanc et blanc bonnet.
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## Vendredi 18 juillet
Dans la tradition indienne, l’âme (que l’on appelle *atman*) est contenue non pas dans un corps, mais dans trois (!).Â
Il y a le corps physique (*shtula sharira*), qui est mortel et que l’on connait tous, c’est notre sac d’os, d’organes et de sang. Puis il y a deux corps immortels : le corps astral ou subtil, nommé *suksma sharira*, et le corps spirituel, appelé *karana sharira*.
Tout le monde connait les *chakras*, littĂ©ralement des « roues ». Le New Age nous a appris qu’ils sont souvent bouchĂ©s ou bloquĂ©s. Le but du yoga ou des exercices de respiration (*pranayama*) est de favoriser la circulation de l’énergie vitale, aussi appelĂ©e *prana*, Ă travers ces fameux sept *chakras* rĂ©partis de bas en haut le long d’un axe connu sous le nom de *sushumna nadi*.Â
Les chakras ne sont pas situés dans le corps physique, mais composent le corps astral. Chacun a sa propre couleur, son élément et son mantra (un son). Ainsi, pour ne donner qu’un seul exemple, le sixième chakra (*Ajna*), le fameux « troisième œil », situé au milieu du front, est associé au bleu indigo, à la lumière et au mantra « om » (faites-le durer, oooooooooooooooooommmmm).
Ă€ quoi sert-il de savoir tout ça ? Absolument Ă rien.Â
À moins, évidemment, que l’on ne s’intéresse au yoga, à la médecine ayurvédique ou à l’hindouisme… ou que l’on soit tout simplement curieux et que l’on veuille « décentrer » le regard que l’on porte sur le monde qui nous entoure.
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## Samedi 19 juillet
L’autre jour, j’ai commencĂ© *Cinderella Closet* sur Netflix (en cours de diffusion jusqu’à la fin de l’étĂ©) qui raconte les aventures d’Haruka, une jeune fille « nature », une « *plain Jane* » comme on dirait de ce cĂ´tĂ©-ci de la Manche. Afin de sĂ©duire son collègue Kurotaki, qu’elle idolâtre, elle apprend l’art du maquillage (et autres artifices habituellement rĂ©servĂ©s aux femmes) auprès d’une nouvelle connaissance, Hikaru, un jeune homme qui aime se travestir…Â
Le Japon est l'un des rares pays capables de produire des histoires *quirky* et dĂ©calĂ©es (le plus souvent imaginĂ©es d’abord dans un manga). Contrairement Ă ce que l’on pourrait imaginer, le travesti Hikaru n’est pas gay… et c’est lĂ que l’histoire devient intĂ©ressante.Â
Hollywood imaginerait une série où la protagoniste, aidée de son meilleur ami gay, apprendrait à devenir une femme-cliché, c’est-à -dire à « embrasser sa féminité » afin de mettre la main sur l’étalon du coin. Une histoire tradi, hétéronormée à souhait, un peu plan-plan, mais garantie de faire vibrer les cœurs de la ménagère de plus de cinquante ans, heureuse de retrouver, par procuration, sa jeunesse, le temps de quelques épisodes.
Les Japonais, eux, habitués à explorer les tabous sociaux (et certainement plus aventureux que nos amis d’outre-Atlantique dans les thèmes qu’ils acceptent de traiter pour le petit écran), vont droit à la source de notre malaise social : l’amour peut-il fleurir entre une jeune fille et un jeune travesti, plus beau qu’elle en femme ? Que va-t-elle choisir, au final : le gentil mâle Kurotaki, garant de l'acceptation sociétale, ou le troublant Hikaru ?
Même si elle dépeint des amours hétérosexuelles, *Cinderella Closet* est une histoire queer, n’en doutons pas une seconde. À la manière des pièces de théâtre shakespeariennes, elle joue avec le trouble que l’inversion des genres fait naitre en nous.
Hikaru, joué par Matsumoto Leo, est éblouissant dans des habits féminins. Son charisme est renversant et sa personnalité intrigante. Les sentiments qu'il commence à éprouver pour Karuka vont-ils l'obliger à abandonner son goût prononcé du travestissement ? En somme, devra-t-il se ranger dans une case bien genrée ? *We shall see*.
Vivement l’épisode de la semaine prochaine.
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## Dimanche 20 juillet
En 2009, l’écrivaine de SF Jo Walton affirmait :
« Au début de sa carrière, Le Guin a écrit un certain nombre de livres merveilleux, *A Wizard of Earthsea* (1968 — *Le Sorcier de Terremer* en VF), *The Left Hand of Darkness* (1969 — *La Main gauche de la nuit*), *The Dispossessed* (1974 — *Les Dépossédés*), puis, à partir de *Always Coming Home* (1985 — *La Vallée de l’éternel retour*), elle a semblé devenir plus hésitante, s’interrogeant sur la nature des histoires et sur les histoires qu’il était possible de raconter. Ses livres étaient toujours intéressants et magnifiquement écrits, mais certains ont dit qu’elle avait, comme Wells, “vendu son droit d’ainesse pour un ragout de messages” et j’ai le sentiment qu’elle se débattait avec des questions qui étaient souvent trop évidentes, ce qui a parfois endommagé le tissu de l'histoire. \(...) J’ai toujours eu l’impression que ces livres prenaient les armes contre l’indicible. Elle réimaginait ses anciens mondes, les révisait et les revoyait d’un point de vue plus ancien, plus sage et mieux informé, mais sans l'assurance qui les avait créés. »
Dans la suite de son [article](https://reactormag.com/a-new-island-of-stability-ursula-le-guins-annals-of-the-western-shore/), Walton fait remarquer que cette période révisionniste et instable a pris fin au début des années 2000, avec la publication du recueil de nouvelles *The Birthright of the World* (2002 — *L’Anniversaire du monde*), mais surtout avec la sortie des *Annals of the Western Shore* (2004-2007 — *Chroniques des Rivages de l’Ouest*), « une œuvre majeure pour une autrice majeure ».
Le dernier tome de cette trilogie, *Powers* (*Pouvoirs*), reçoit d’ailleurs le Prix Nebula en 2008 — mais le classement en YA, durant cette décennie où domine *Harry Potter*, a fait que cette trilogie est certainement la moins connue de son œuvre, encore de nos jours. À tort, car on y retrouve tout ce qui fait le charme de le Guin : « Les préoccupations — les femmes, l’esclavage, le pouvoir et la responsabilité — sont celles qui ont nourri une grande partie de son œuvre, mais elles sont ici pleinement intégrées à la géologie sous-jacente des histoires. »
J’avais moi-même beaucoup aimé cette trilogie. Peut-être faudrait-il que je profite de mes vacances pour l'explorer à nouveau et rafraîchir ma mémoire.
Quoi qu’il en soit, dans trois-quatre ans (2028-29), il me faudra lire et relire toute son œuvre afin de commérer, comme il se doit, les dix ans de sa mort et le centenaire de sa naissance.
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