# Semaine du 28 juillet 2025
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## Lundi 28 juillet
Ne pas juger au quotidien est une gageĂĽre. L’égo Ă©dicte ses prĂ©fĂ©rences avec l’assurance d’un adolescent mal dans sa peau. PlutĂ´t que d’essayer de comprendre, il juge. Souvent Ă l’emporte-pièce. Sans objectivitĂ© aucune.Â
C’est plutôt normal, me direz-vous : son rôle, c’est d’être subjectif. Moi, moi, moi. (Même quand il s’agit des autres, au fond, il s’agit toujours de « moi ».)
Mais de cette subjectivitĂ© arbitraire nait une souffrance qui nous pourrit la vie, souvent sans qu’on n’en prenne vraiment conscience. Nous passons notre existence Ă nous heurter Ă la rĂ©alitĂ©, qui, *oddly enough*, ne se conforme jamais Ă la vision que nous avons d’elle.Â
L’enfer, c’est les autres, dit-on, mais on envisage rarement de se tourner vers l’intĂ©rieur, en soi, afin de trouver l’origine du problème, n’est-ce pas ?Â
Comme tout le monde, j’ai des idées très tranchées et, peut-être plus que d’autres, je suis convaincu d’avoir raison… *Le monde est comme ci, les gens doivent agir comme ça*, mon égo est très clair sur tous ces sujets… Mais quand je le surprends en train de s’irriter parce que les choses ne vont pas dans le bon sens, je souffle un bon coup et je m’efforce de faire taire cette voix critique.
Il y a quelque chose de libérateur dans le fait de n’avoir pas à émettre d’avis, de laisser les gens autour de soi vivre leur vie comme ils l’entendent sans avoir besoin de juger leurs actes ou leurs intentions. Ce n’est pas facile (l’animal social en nous considère que sa survie est en jeu)… mais cette neutralité zen (qui n’empêche pas pour autant d’agir dans le monde) est très agréable.
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## Mercredi 30 juillet
« La véritable liberté et l’épanouissement résident dans la compréhension de ce qui se passe, et non dans le contrôle. » (Bernardo Kastrup)
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## Jeudi 31 juillet
Devinez quoi ? J’ai encore acheté un livre. Ce n’était pas prévu… Il m’est tombé dans les mains sans que je fasse quoi que ce soit. Pouf !
C’est D. qui l’a trouvĂ© en parcourant les bouquins sur la ThaĂŻlande au Waterstones de Meadowhall. Il s’agit d’une nouvelle publication de la collection *The Passenger*, coĂ©ditĂ©e par Europa editions et la maison italienne Iperborea.Â
« *For explorers of the world* », cette publication en grand format, couverture souple et abondamment illustrée (au prix pas si modique de 18,99 £ ou 22 $) est une collection d’articles. Elle me fait penser davantage à un magazine qu’à un guide touristique, d’autant plus que le sommaire fait la part belle aux enjeux sociétaux.
Dans ce tome consacré au Pays du sourire, en plus des pages sur le rôle ambivalent de la monarchie, la non-existence des réfugiés ou ce qui fait l’identité des Bangkokiens, il y a un article entier sur le Boy’s Love (signé Jidanun Lueangpiansamut), les histoires de fantômes (Emma Larkin) et le soft power (Valeria Palermi). La lecture devrait être aussi agréable qu’informative.
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## Vendredi 01 août
J’admire les gens pour qui le travail ne représente qu’un petit aspect de leur vie. Un simple désagrément, qui ne suscite aucune ambition particulière.
Avec mon caractère obsessionnel, j’arrive très difficilement à me détacher de ce qui se passe au boulot. Je suis absorbé par ma vie professionnelle, que je le veuille ou non. Une semaine de vacances suffit à m’en faire prendre conscience. Après quelques jours de repos, des envies que je croyais éteintes s’éveillent à nouveau. Je me sens renaitre.
Ainsi, jeudi dernier, pour la première fois depuis un bail, pendant que je courais autour du parc en écoutant la BO de *KPop Demon Hunters*, l’inspiration a trouvé opportun d’organiser un véritable feu d’artifice dans mon cerveau endorphiné. J’ai soudainement eu envie d’écrire un roman de SFFF en vers, un peu à la manière de *The Sign of the Dragon* (2020) de Mary Soon Lee.
Autre exemple — samedi, alors que je regardais *A Sketchy Job*, un BL chinois à petit budget disponible sur YouTube, j’ai pensé tout un recueil de nouvelles suivies où le protagoniste louerait ses services (le trope du *fake boyfriend* m’intéresse et je me suis demandé ce que ça donnerait si le personnage principal ne tombait *pas* amoureux de ses clients).
Il y a peu de chances pour que ces projets voient le jour (il faut davantage qu'une vague envie pour les concrétiser)… mais je les garde dans mes carnets de notes précieusement. Qui sait quelle idée sera recyclée ?
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## Samedi 02 août
Au sujet de la course au progrès :
« Nous aimons voir nos erreurs comme \[un moyen d’accéder à la vérité] ; nous aimons assigner artificiellement une valeur à toutes nos tentatives, même lorsqu’elles s’avèrent ridicules.
Notre psychologie nous empêche de reconnaitre que, parfois, nous avons tout simplement tort, un point c’est tout. Il nous est inconfortable de penser que certaines idées que notre culture a adoptées n’étaient qu’une perte de temps qui n’a absolument mené à rien. Nous ressentons le besoin de valider même nos pires erreurs, car, ce faisant, nous nous validons nous-mêmes ; nous éprouvons ce sentiment réconfortant et agréable que nos efforts mènent toujours à quelque chose qui a de la valeur, aussi incomplets soient-ils. »
(Bernardo Kastrup, *Analytic Idealism in a Nutshell*, 2024)
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## Dimanche 03 août
L’« IdĂ©alisme Analytique » est une mĂ©taphysique qui s’oppose Ă la philosophie matĂ©rialiste (ou physicaliste). Dans *Analytic Idealism in a Nutshell*, un petit ouvrage de 160 pages destinĂ© au grand public (hum !), le philosophe et scientifique [Bernardo Kastrup](https://fr.wikipedia.org/wiki/IdĂ©alisme_(philosophie)#Bernardo_Kastrup) relève les contradictions du matĂ©rialisme et dĂ©montre la nĂ©cessitĂ© de changer de paradigme afin d’expliquer tous les phĂ©nomènes observables ; en premier lieu, ce qui est Ă la base de l’expĂ©rience humaine : notre conscience.Â
Pour les matérialistes (le mot est à prendre ici dans son acception philosophique), tout peut être réduit à la matière. C’est le fondement de notre univers (d’où le nom de matérialisme). Ainsi, la conscience est créée par le cerveau. Le matérialiste part du principe que si l’on cartographiait cet organe dans le moindre détail, on serait capable d’expliquer les mécanismes à l’origine de la conscience.
Ces dernières dĂ©cennies, les milieux scientifiques, en particulier dans les domaines de la physique et des neurosciences, ont menĂ© de nombreuses expĂ©riences qui remettent en cause les tenants de cette mĂ©taphysique matĂ©rialiste (voir, par exemple, le rĂ´le de l’observateur en physique quantique)…Â
L’IdĂ©alisme Analytique, qui peut paraitre extravagant au premier abord, surtout quand on a baignĂ© dans la mĂ©taphysique matĂ©rialiste toute sa vie sans nĂ©cessairement en avoir conscience, dĂ©fend l’usage d’une mĂ©thode empirique rigoureuse (la mĂ©thode scientifique) et se propose de rĂ©gler « [le problème difficile de la conscience](https://fr.wikipedia.org/wiki/Problème_difficile_de_la_conscience) ». Elle est rĂ©ductionniste, tout comme le matĂ©rialisme, mais considère que ce sont les idĂ©es (ou les perceptions) qui constituent l’essence mĂŞme de l’Univers (la matière n’étant que leurs reprĂ©sentations — un peu comme les instruments Ă l’intĂ©rieur d’un cockpit reprĂ©sentent le ciel mais ne sont pas le ciel). L’argumentaire de Kastrup est compliquĂ©, mĂŞme dans sa version « grand public »… je ne vais donc pas me risquer Ă le rĂ©sumer ici.Â
Mais quelques Ă©lĂ©ments ont piquĂ© mon attention :Â
— selon Kastrup, nous serions des dissociations d’une unique conscience cosmique. Comme analogie, il prend l’exemple de l’esprit humain qui est capable, suite Ă un traumatisme, de se dissocier et d’avoir plusieurs personnalitĂ©s qui peuvent ĂŞtre d’âge ou de sexe diffĂ©rents… et qui interagissent de manière indĂ©pendante Ă l’intĂ©rieur d’un mĂŞme corps (voir TDI — trouble dissociatif de l’identitĂ©).Â
— la mort du corps n’aurait pas pour conséquence la mort de la conscience mais la réintégration de celle-ci dans la plus large conscience (de l’Univers, de la Nature ou… pour les croyants… j’imagine qu’on pourrait dire… de Dieu…)
— le cerveau ne serait qu’une interface — c’est-à -dire un moyen d’accéder, de traiter et de filtrer les perceptions, mais non la cause ; ce qui voudrait dire que nos souvenirs pourraient ne pas être stockés dans le cerveau, par exemple, ce qui permettrait d’expliquer des phénomènes comme la [lucidité terminale](https://fr.wikipedia.org/wiki/Lucidité_terminale) ou les expériences de mort imminente.
(Et si je me permettais d’extrapoler, l’idéalisme analytique fournirait aussi un cadre théorique à même d’expliquer certains phénomènes dits « paranormaux », comme la télépathie, la psychokinèse, les poltergeists, les esprits ou que sais-je encore. Notons au passage que, si ces phénomènes existaient vraiment, ils seraient alors tout simplement « normaux » et naturels. Un sujet que Kastrup se fait un point d’honneur de ne *pas* aborder dans son livre.)
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