# Semaine du 18 août 2025 *Ces entrées appliquent l’orthographe rectifiée. Adieu les petits accents circonflexes ! Pour recevoir gratuitement ma newsletter qui propose une édition mensuelle de ce Journal, c'est par [ici](https://enzodaumier.substack.com).* ## Lundi 18 août Je n’aime pas spécialement le genre horrifique (comprendre : je ne cherche pas activement les œuvres qui appartiennent à ce genre). Je suis de ceux qui se font peur tout seul dans une maison la nuit. Mon imagination est suffisamment fertile ; je n’ai pas besoin d’en rajouter. Cependant, ces dernières années, depuis *The Untamed* (2019), j’ai développé un gout certain pour les histoires de fantômes et d’esprits. En Asie, ces superstitions sont encore très vivaces (les fantômes ne sont pas seulement des tropes de romans ou de scénarios, comme par chez nous, mais une réalité avec laquelle il faut composer au quotidien). Il est donc normal que de plus en plus de BLs asiatiques explorent ces thèmes-là.  Le dernier en date, c’est *Khemjira*, dont le premier épisode est sorti il y a deux semaines à peine. Cette série thaïlandaise, adaptée du roman *Khemjira Will Survive* (เขมจิราต้องรอด) de l’autrice Cali (คาลิ), raconte l’histoire de… Khemjira, un jeune homme de dix-neuf ans condamné à mourir avant d’avoir fêté son vingtième anniversaire, comme tous les garçons de sa famille avant lui. Désespéré, il en vient à demander de l’aide à un chamane assez sexy (on est dans un BL), Peem, qui a promis à son grand-père qu’il n’essayerait pas de le sauver. (La sagesse veut qu’on ne se mêle pas des affaires karmiques d’autrui.) Comme Khemjira a un nom de fille et qu’on est dans un BL, pas besoin de regarder la série pour comprendre qu’il incarne le bottom fragile… tandis que Peem est le mâle taiseux et mystérieux, le top, l’actif, celui qui aime frapper à la porte de derrière (esprit, es-tu là ?). La cinématographie est réussie, l’écriture du scénario soignée et les acteurs ne sont pas mauvais. Khemjira s’annonce comme une des séries *boys' love* du moment à ne pas manquer, parfaite pour frissonner de peur tout en se rinçant l'œil. Petit bonus : ce BL se passe dans la jungle thaïlandaise, plutôt que sur un campus universitaire — l’occasion de découvrir des paysages saisissants et la vie rurale de ce beau pays. --- ## Mardi 19 août Ma connaissance de la Principauté d’Andorre se limitait au Pas de la Case, cette ville frontalière perchée à plus de deux mille mètres d’altitude, une sorte de vaste supermarché hideux pour Ariégeois fumeurs à la recherche de vêtements et d’essence bon marché (leur TVA est à 4,5 %). Aujourd’hui, nous sommes allés visiter la capitale, Andorre-la-Vieille, une ville de plus de 20 000 habitants. C’est une petite bourgade pour certains, une gigantesque métropole pour l’Ariégeois lambda (je ne plaisante qu’à moitié, puisque Pamiers, la ville la plus grande d’Ariège, a une population de 16 000 habitants).  Pendant que je parcourais les rues commerçantes de la ville, admirant les chalets hors de prix sur les flancs de montagnes, l’oreille bercée par les discussions en catalan, je me disais que ça serait un cadre original pour une romance MM. Ou mieux encore, l’Andorre pourrait servir de modèle à un pays imaginaire.  Depuis la publication de *Tendres Baisers d’Oxford*, l’envie de replonger dans l’aristocratie européenne me titille… et, sur ma *to-do list* d’écrivain, on peut trouver l’invention d’un pays imaginaire européen (un peu comme Le Guin a fait avec Orsinia). Ce genre a d’ailleurs un nom : la [romance ruritanienne](https://fr.wikipedia.org/wiki/Romance_ruritanienne#), d’après le pays fictif inventé par Anthony Hope en 1894 (la Ruritanie).  Mon royaume, lui, serait situé dans les Pyrénées, plutôt que les Alpes ou l'Europe Centrale, parce que zut.  Pourquoi inventer un pays dans les Pyrénées quand l’Andorre existe déjà ? J’ai cette habitude-règle (un peu stupide, j’en conviens) de placer mes récits réalistes et contemporains dans des endroits où j’ai vécu ou que j’ai suffisamment fréquentés pour ne pas dire (trop) de bêtises. Ça me rassure. Mais supposons une minute que je décide de relever le défi et que je choisisse l’Andorre. À quoi ressemblerait ma romance ?  Eh bien, voyez-vous, la Principauté a deux coprinces (l'histoire s’écrirait presque d’elle-même, n’est-ce pas ?).  Or il se trouve que l’un des coprinces est Macron… et l’autre… l’évêque d’Urgell. Un ancien banquier et un prêtre catholique. *What could go wrong?* Une histoire d’amour interdite, à la fois spirituelle et sensuelle. J’imagine déjà le titre : *La Passion du Télésiège*. --- ## Vendredi 22 août La semaine est vite passée… et je suis déjà de retour à Sheffield. Pour ne pas me dépayser, le ciel est gris, les températures en dessous de vingt degrés. *Home, sweet home*. L’été se termine déjà. Dans quelques jours, je reprendrai le boulot. Une nouvelle année s’annonce (j’ai gardé le rythme scolaire ; je pense rarement en années civiles) avec ses projets : un déménagement (tôt ou tard), un retour à l’écriture (oui, oui, on y croit !), un avancement de carrière (ou, si ça n’aboutit pas, un nouveau boulot… ailleurs). L'année académique 2025-2026 devrait être mouvementée, avec son lot d’angoisses, d’émerveillements et de surprises. --- ## Samedi 23 août Un épisode assez peu connu de la vie d’André Malraux (1901-1976), l’écrivain et (le premier) ministre de la Culture (1959-1969) sous le général de Gaulle : sa condamnation à 3 ans de prison ferme pour avoir pillé le temple de Banteay Srei à Angkor et avoir essayé de revendre des œuvres d’art sur le marché noir afin de se refaire une santé financière. C’était en 1923-24, il avait vingt-deux ans. Jamy (oui, celui-là même qui était aux manettes de *C’est pas sorcier*) présente l’affaire dans une [vidéo](https://youtu.be/TXFc9jLhuc4?si=Q1IuqHrystoewZni) sur sa chaine YouTube (Jamy — Epicurieux). Colonialisme, culture et esprit bourgeois, un cocktail détonant. Et la preuve que pour devenir ministre en France, une affinité éhontée pour le banditisme est le plus souvent prérequise. Au final, le très beau temple de Banteay Srei doit sa survie à Malraux, sa femme Clara et leur ami Louis Chevasson : l’affaire fit tellement scandale en France que l’École française d'Extrême-Orient décida de le restaurer et de le préserver pour les générations futures. Soutenu par toute l’intelligentsia française de l’époque (Aragon, Gide, Mauriac, Breton, etc.), Malraux vit sa peine réduite à un an et huit mois avec sursis et pu tranquillement continuer sa carrière d’écrivain. D’ailleurs, cette affaire lui inspira en partie le sujet de son roman *La voie royale* (1930). --- ## Dimanche 24 août Étrange sensation que de lire un manuscrit inachevé un an (jour pour jour) après l’avoir lu pour la dernière fois. L’impression d’avoir fermé les yeux quelques secondes à peine… et 365 jours ont passé. Je ne suis pas plus sage ; je ne sais toujours pas quoi faire de cette histoire. Mais mon avis, lui, est toujours le même : je crains que le style dense ne soit pas du gout de toustes.  Alors que faire ? Réécrire ces quelques chapitres entièrement afin d’alléger la langue ? Poursuivre tel quel, tout en espérant que je sois encore capable d’écrire ainsi jusqu’à la fin ? Ou recommencer depuis le début, oublier ce qui a été écrit précédemment et voir où ça me mène ?  En novembre, cela fera vingt-quatre ans que j’essaye d’écrire un texte publiable issu de ce monde imaginaire. J’ai essayé toutes les techniques de réécriture imaginables. En vain.  Il doit s’agir de mon grand-œuvre : j’ai commencé ma carrière (pour ainsi dire) avec cet univers ; je la finirai avec cet univers. Peu importe le nombre de fois où je change le personnage principal, les coutumes locales ou le genre littéraire ; il y a toujours quelque chose qui cloche. Quelle plaie ! Gageons qu’en aout 2026, je relirai ces mêmes pages, me demandant quelle suite donner à ce projet. Et une autre année aura passé. --- [[Semaine du 2025-08-11|Semaine précédente]] - [[Semaine du 2025-08-25|Semaine suivante]]