# Semaine du 08 septembre 2025
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## Mercredi 10 septembre
« Ce qui choque particulièrement au sujet de la dark romance, c’est que les abus sont explicites et revendiqués, plus proches d’un “Je te fais du mal, je le sais, et c’est pour ça que tu m’aimes” que d’un “Je te fais du mal, je n’ai pas fait exprès, mais tu vas m’aimer quand même”. Dans une société dite “post-#MeToo”, il n’est plus crédible pour un homme de jouer l’innocent et de prétendre ne pas connaitre la gravité de ses actes. La dark romance choisit alors de faire de ses héros des hommes conscients de leur violence. »
Marine Lambolez, « Genre littéraire à succès, la dark romantasy, avec ses relations toxiques et ses viols, peut-elle être féministe ? », [The Conversation FR](https://theconversation.com/genre-litteraire-a-succes-la-dark-romantasy-avec-ses-relations-toxiques-et-ses-viols-peut-elle-etre-feministe-264150).
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## Jeudi 11 septembre
« L’utilisation de la fantasy et des personnages non humains permettent aux lectrices de vivre ce que certains appellent, à tort, “le fantasme du viol” et qui est plutôt une quête du lâcher-prise totale, sans culpabilité. Désirer un personnage imaginaire, même violent, place le fantasme à distance des dynamiques patriarcales. » (Marine Lambolez)
Je vois un phĂ©nomène similaire Ă l’œuvre dans la romance MM, qui permet Ă l’autrice et Ă la lectrice d’explorer des dynamiques diffĂ©rentes dans le couple.Â
Le patriarcat semble n'avoir pas sa place dans une relation amoureuse entre deux hommes… On pourrait croire qu'il est exclu de l'univers du BL, mais, en rĂ©alitĂ©, il entre par la porte de derrière (*so to speak*), car, trop souvent, l’autrice est incapable (ou n’a pas vraiment envie) de s’extraire des schĂ©mas hĂ©tĂ©ronormĂ©s.Â
Pour que le fantasme soit absolu, le couple homo doit mĂŞme ĂŞtre le reflet du couple hĂ©tĂ©ro… Dans les textes les plus clichĂ©s, il y a l’homme (le vrai, le pĂ©nĂ©trant) et « celui qui fait la femme », chacun ayant les traits psychologiques du genre qu’il incarne.Â
Sur la page comme sur le petit écran, l'homoromance la plus commerciale et la plus mauvaise ne remet pas en cause le patriarcat. Elle le renforce. (Comment pourrait-il en être autrement dans un monde où capitalisme et patriarcat avancent bras dessus bras dessous ?)
Comme tout système dominant, le patriarcat Ă©volue constamment. C'est la survie du plus apte, pour reprendre les mots de Darwin. Ici, il revĂŞt un manteau diffĂ©rent. Il se prĂ©sente sous une forme plus « épurĂ©e » ou plus innocente. On se contente d’enlever les scories qui dĂ©rangent, le laissant libre de rĂ©pandre son poison dans les esprits et de continuer Ă enfermer les gens dans des rĂ´les prĂ©dĂ©terminĂ©s.Â
Symboliquement, l'homoromance (MM/BL) réalise le fantasme absolu du patriarcat le plus toxique et le plus misogyne : se débarrasser de la femme. Pire, dans ce cas, c'est la femme elle-même (l'autrice et la lectrice) qui s'évince de l'image.
Pas mal pour un simple divertissement littéraire, hein ?
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## Vendredi 12 septembre
Je viens d’une tradition diffĂ©rente. La branche queer, et Ă l’occasion subversive, du BL ou du MM, fille illĂ©gitime de la littĂ©rature LGBTQ+ et de la romance.Â
Notre but n’est pas de plaquer des schémas hétéronormatifs sur des relations qui s’épanouissent aux marges de la société mainstream. Notre but n’est pas de rassurer l’hétérosexuel·le fragile, d’offrir une romance doudou aseptisée. Nous nous adressons au peuple queer, à toutes les lettres et à toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, du bicurieux à la folle, du tomboy au gender-fluid, du trans à l’intersexué·e, mais comme nous sommes accueillant·es, tout le monde est bienvenu, même les hétéros. (Ma famille de cœur bâtit des ponts, pas des murailles.)
Le réconfort que l’on offre est d’une autre qualité : oui, tu as le droit d'être différent·e ; oui, tu peux être heureux·se ; non, le malheur ou la tragédie ne sont pas les constituantes de ta destinée.
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## Samedi 13 septembre
Une lecture politique de l’homoromance n’est Ă©videmment pas la seule possible ou la seule valable. Mettre en lumière les mĂ©canismes Ă l’œuvre est utile, certes, mais il ne faut pas rĂ©duire les histoires d’amour entre hommes, sur la page comme sur le petit Ă©cran, Ă ce seul aspect.Â
Quand l’homoromance est produite par les concernĂ©s Ă destination d’autres concernĂ©s, cette lecture politique a, d'ailleurs, peu d’intĂ©rĂŞt… Elle ne devient intĂ©ressante que lorsque ce sont des femmes qui Ă©crivent pour d’autres femmes, car, dans ce cas-lĂ , ce n’est plus une question de dĂ©sir (ou de besoin) de reprĂ©sentation. Une femme n’écrit pas des romances MM pour se voir directement reprĂ©sentĂ©e sur la page.Â
Personne n’échappe au patriarcat, pas même ceux et celles qui en connaissent les mécanismes d’oppression. Nous sommes toustes issu·es de ce siècle ; et à ce titre, nos œuvres d’art n’échappent ni aux logiques capitalistes ni aux dynamiques patriarcales — au mieux, nous pouvons les critiquer, les subvertir ; au pire, elles nous contrôlent sans que nous en prenions conscience.
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## Dimanche 14 septembre
Enfin, et je ne le rĂ©pèterai jamais assez, je ne vois aucun mal Ă ce que des femmes puissent Ă©crire de la romance MM. Je critiquerai toujours les histoires qui sont de mauvaise qualitĂ© et qui perpĂ©tuent des clichĂ©s nausĂ©abonds, mais j’apprĂ©cie le regard qu’une personne de l’autre sexe peut porter sur une histoire d’amour entre hommes. MĂŞme si toute ma sympathie va au mouvement \#OwnVoices, si la production littĂ©raire (ou cinĂ©matographique) se rĂ©duisait aux seuls intĂ©ressĂ©s, le genre en serait appauvri.Â
Sur mon échelle de valeurs, je place la pluralité des points de vue au-dessus de la supposée authenticité de certaines voix. De la même manière qu’un acteur peut tout jouer, une autrice peut tout écrire. La justesse du propos ne vient pas de l'expérience vécue. Vouloir interdire à certaines l’accès à un genre parce qu’elles ne sont pas nées avec le bon appendice est d’une idiotie sans nom. Inutile de dire que les polices de la pureté qui sévissent sur les réseaux sociaux me dégoutent.
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