# Semaine du 20 octobre 2025 *Ces entrées appliquent l’orthographe rectifiée. Adieu les petits accents circonflexes ! Pour recevoir gratuitement ma newsletter qui propose une édition mensuelle de ce Journal, c'est par [ici](https://enzodaumier.substack.com).* ## Lundi 20 octobre « Le genre, un concept qui aurait pu servir à distinguer utilement différents types d’œuvres de fiction, a été dégradé au rang de simple prétexte pour émettre des jugements de valeur. Les différents “genres” sont désormais principalement des étiquettes commerciales destinées à faciliter la vie des lecteurs paresseux, des critiques paresseux et des services commerciaux des éditeurs. » (Le Guin) --- ## Mercredi 22 octobre Dans notre société où l’information abonde, nous oublions vite que le vrai savoir est une denrée rare. Nous traversons notre vie sans savoir. Notre existence est mystérieuse, celle des autres encore plus, et ne parlons même pas de l’infiniment grand ou de l’infiniment petit, dont nous ne faisons l’expérience que de manière indirecte. « Je ne sais pas » devrait donc être notre mode d’appréhension du réel, mais l’évolution nous a fait don d’un organe qui aime raconter des histoires et qui préfère les hypothèses farfelues, les affabulations et autres mensonges, à l’aveu que l’on ne sait pas. Nous avons besoin de sens *à tout prix*. D’ailleurs, il nous est plus aisé de vivre dans l’erreur que de reconnaitre les limites de nos connaissances. C’est peut-être ce qui fait la grandeur de notre espèce, mais c’est aussi ce qui la mènera à sa perte. --- ## Vendredi 24 octobre Il suffit d’une seule pensée pour dérailler un raisonnement ou aggraver une humeur. Ça va très vite et, à moins de faire attention, on ne le remarque pas immédiatement (voire pas du tout !).  Nos pensées nous mènent par le bout du nez. Nous passons du coq à l’âne et de l’âne au coq constamment. Comme tout le monde, je suis incapable de vivre dans le moment présent. Ainsi, je pense à Bangkok et à ses *shopping malls*, que je visiterai peut-être dans quelques mois, et deux secondes plus tard, je m’énerve suite à un reproche imaginaire qu’un manager tout aussi imaginaire m’a fait. Entre ces deux moments, une connexion arbitraire et involontaire entre vacances et carrière professionnelle.  Je retourne à mes vacances thaïlandaises, car elles sont plus plaisantes à imaginer, et quelques instants plus tard, j’éprouve l’angoisse de me retrouver sans emploi, chez mes parents en France (mon remake tragique de *Tanguy*, sur vos écrans en 2026). Entre les deux, nouvelle pensée parasite qui se demande ce qu’il adviendrait si je n’obtenais pas la promotion tant espérée (à l’origine du scénario catastrophe numéro 1 : le reproche imaginaire du manager imaginaire — suivez un peu). Chaque fois, une seule pensée suffit pour mettre la pagaille. Le cerveau n’a aucune protection contre ce phénomène. Au contraire, tout semble fait pour faciliter ces interruptions et leur effet dévastateur sur notre bienêtre (le corps réagit au quart de tour, car lui fait très attention à ce qui se passe dans notre cerveau). Évidemment, les techniques de pleine-conscience peuvent jouer ce rôle protecteur, mais elles ne sont pas préinstallées et notre machine à penser est rarement accompagnée d’un manuel de l’utilisateur. VDM. --- ## Samedi 25 octobre La Reine mère de Thaïlande, Sirikit Kitiyakara, est décédée hier à l’âge de 93 ans. Épouse du roi Rama IX, elle a été la reine consort de 1950 à 2016. C’est donc une figure majeure de l’histoire thaïlandaise qui vient de mourir.  Un deuil officiel d’un an a été déclaré pour les membres de la famille royale et leurs employés, ainsi que pour les fonctionnaires de l’État. La population, quant à elle, observera un deuil de trois mois. Le monde du divertissement et de la nuit se voit imposer un deuil d’un mois par le gouvernement et doit annuler, autant que possible, ses spectacles et autres festivités. Quand c’est impossible ou déraisonnable, les organisateurs de ces évènements doivent mettre en place des mesures spéciales. Ainsi, les fans qui assisteront au concert de BlackPink, aujourd’hui et demain, devront porter du noir… Quant à savoir si ces mesures sont populaires ou non, nous ne le saurons jamais. La Thaïlande a la loi de lèse-majesté la plus draconienne au monde : tout commentaire négatif au sujet du roi et de la famille royale est strictement interdit, sous peine d’emprisonnement. --- ## Dimanche 26 octobre Après un long passage à vide, je viens de reprendre mes lectures romanesques, presque par accident. Il se pourrait bien que le lecteur-baleine que je suis habituellement à l’approche de l’hiver soit de retour.  Hier, j’ai donné sa chance à *Top Secret*, une romance MM de Sarina Bowen et Elle Kennedy, sortie en 2019 et incluse dans mon abonnement Kindle Unlimited.  C’est un bon roman. Certes, il ne casse pas trois pattes à un canard (comme 90 % de ce qui s’écrit dans le genre), mais les personnages sont attachants, l’intrigue bien menée et le style facile à lire (double narration à la première personne, au présent, comme il se doit).  Ce qui me dérange, c’est que toutes ces romances, qui sont vite lues, sont aussi vite oubliées. Il n’y a aucune aspérité ; tout est lisse, bien fait. Elles offrent un bon divertissement, mais aucun élément (personnage, trope, lieu) ne marque la mémoire. Ce sont des produits de consommation qui ne changent pas les lecteurices. On en ressort comme on y est entrés. Comme leur originalité ne doit pas déranger, elle se contente d’être une énième variation : assez originale pour ne pas ennuyer, mais pas suffisamment pour prendre des risques et laisser une trace indélébile dans nos mémoires. Je ne critique pas ici Sarina Bowen et Elle Kennedy. En tant qu’auteur, je sais que ce qu’elles font n’est pas facile et je ne crois pas que je ferais mieux qu’elles, ou même aussi bien.  Mais en tant que lecteur, je suis un peu déçu. Je n’ai rien appris sur l’amour ni sur les relations humaines. Ou plutôt, j’ai eu droit à la même leçon : en amour, il faut changer pour l’autre. *No shit, Sherlock*.  Le young adult queer a plus de choses à dire sur l’amour et la vie que la romance adulte (ou jeune adulte). *Le soleil est pour toi* de Jandy Nelson, *Aristote et Dante découvrent les secrets de l’univers* de Benjamin Alire Sáenz ou encore *Two Boys Kissing* de David Levithan donnent à lire des récits mémorables qui ne laissent pas indifférents. J’y pense encore des années plus tard. Où sont les romances MM qui remuent ? Qui nous font questionner nos choix de vie ? Qui nous font voir le monde différemment ? Le sexe ne devrait pas être le seul ingrédient que les autrices utilisent pour relever le gout d’une histoire insipide ou conventionnelle. Littérature-doudou par excellence, la romance devrait pouvoir réconforter sans pour autant être soporifique intellectuellement. --- [[Semaine du 2025-10-13|Semaine précédente]] - [[Semaine du 2025-10-27|Semaine suivante]]