# Semaine du 29 janvier 2024
## Lundi 29 janvier
Toujours pas de rêves lucides, mais je me souviens davantage de mes rêves. Ce qui se passe durant mes nuits n’est plus entièrement un mystère. Tenir un *dream journal* aide, c’est vrai : par cette pratique, j’affirme que cette matière, que je jugeais absurde ou délirante, a de la valeur et mérite que je la retienne. Je note à quel point les mêmes lieux, les mêmes personnes ou les mêmes situations reviennent de nuit en nuit… J’en ignore le sens, et pour un peu je n’en aurais rien à faire. Ce qui m’importe, c’est d’arriver à ce moment de grâce où je comprendrai, dans le rêve, que je suis en train de rêver.
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## Mardi 30 janvier
‘Although the character of the tortured artist tends to live more in mythology than in reality, this does not mean that art comes easily. It requires the obsessive desire to create great things. This pursuit doesn’t have to be agonizing. It can be enlivening. It’s up to you.’
– [The Creative Act: A Way of Being](https://www.goodreads.com/book/show/63914860-the-creative-act) (2023) by Rick Rubin
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## Mercredi 31 janvier
Je prends beaucoup de plaisir à traquer les origines d’une idée… Établir la généalogie d’un phénomène, noter ses influences en amont comme en aval, ça ressemble à une vaste enquête sans fin. Un trip d’intellectuel, en somme. (Personne ne sera donc surpris d’apprendre qu’une partie de mes études a été consacrée à la réception de l’Antiquité à la Renaissance, puis dans la Fantasy contemporaine.)Â
Ainsi, cette semaine, je me suis penché sur la « loi de l’attraction », cette croyance popularisée il y a quelques années par le livre de Rhonda Byrne, puis le documentaire du même nom, *Le Secret* (2006).Â
J’ai retrouvé une pensée similaire dans le petit essai de Neville Goddard, *Feeling is the Secret* (1944), qui parle pour sa part de « *law of consciousness* » (où il faut « ressentir » la nouvelle réalité que l’on rêve pour qu’elle se réalise).
Plus intéressant encore, je suis remonté à un essai de 1908, intitulé *The Kybalion*, écrit par « Trois initiés », qui propose d’éclaircir les enseignements de la tradition hermétique, c’est-à -dire issue des révélations d’Hermès Trismégiste (l’assimilation du dieu grec Hermès et du dieu égyptien Thot). Nous nageons en plein ésotérisme… et c’est tout à fait ma came. (Un jour, j’écrirai un roman ésotérique à la Umberto Eco ou à la Laurent Binet, qu’on se le dise.)
De quoi parle le *Kybalion* ? Des sept principes qui régissent notre réalité : le principe de mentalisme (le Tout est esprit et l’Univers est mental) ; celui de correspondance (*as above, so below; as below, so above*) ; celui de vibration (le mouvement est partout, rien n’est à l’état de repos) ; celui de polarité (tout est double et a deux pôles) ; celui de rythme (flux et reflux en toutes choses) ; celui de cause et d’effet (jamais rien n’arrive par hasard) et le principe de genre (masculin/féminin — un peu comme le yin and le yang).
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## Jeudi 01 février
Par principe, on devrait être suspicieux d’un enseignement qui se base sur la révélation d’un secret.Â
Même s’il est vrai que tout enseignement révèle ce que l’étudiant ignorait jusqu’alors. Le Maitre lève le voile de l’ignorance — il partage ses connaissances.
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L’ésotérisme est élitiste : son enseignement est réservé à des *happy few*. Il ne doit surtout pas être transmis aux masses, affirme-t-on, car elles sont incapables de comprendre sa valeur. L’expression qui semble revenir comme un leitmotiv : *Margaritas ante porcos*, comme disaient les Romains, c’est-à -dire donner de la confiture (ou des perles) aux cochons.
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## Vendredi 02 février
Au sujet des réseaux sociaux :
« Ceux en haut de la pyramide restent persuadés qu’ils doivent leur position à leur génie propre, alors qu’ils ne font qu’occuper une place qui doit nécessairement être occupée pour maintenir l’invariance d’échelle. »Â
– Thierry Crouzet, [*Journal*, janvier 2024](https://tcrouzet.com/2024/02/01/carnet-de-route-janvier-2024/)
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## Samedi 03 février
Sur son site internet, [*A Working Library*](https://aworkinglibrary.com/writing/unified-theory-of------), Mandy Brown résume la vision très intéressante que lui inspire l’expression idiomatique « *I (don’t) give a fuck* » (se foutre ou non de quelque chose).Â
Selon elle, nous avons un nombre limité de « fucks » à donner, et si on les distribue sans compter, on finit par se retrouver sans rien, à sec, avec un burn-out.Â
Le seul moyen de reconstituer cette collection de *fucks*, c’est d’avoir des gens autour de nous pour nous en donner, c’est-à -dire pour prendre soin de nous, pour nous accorder leur attention ou leur amour. Elle rappelle que seuls les êtres vivants sont capables de « donner des *fucks* ». C’est donc stupide d’aimer son travail, car celui-ci ne nous aimera jamais en retour. Un travail est un travail. Seul ce qui est en vie mérite qu’on s’investisse émotionnellement. On peut donc s’inquiéter pour un collègue, oui, mais pas pour son boulot.
« Give a fuck about yourself, about your own wild and tender spirit, about your peace and especially about your art. »
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## Dimanche 04 février
Écrire un essai demande des qualités d’expression auxquelles on réfléchit assez peu au final.Â
Il y a quelques années, j’ai été impressionné par les livres de Yuval Noah Harari (*Sapiens* et *Homo Deus*) : cet auteur israélien était capable d’exprimer une idée avec clarté et de sélectionner les meilleurs exemples pour que son lectorat non seulement comprenne mais prenne aussi plaisir à l’exposé.
Hier, en lisant quelques chapitres de *Metahuman* (2019) de Deepak Chopra, j’ai eu la même impression d’habileté narrative. En quelques pages, on comprend pourquoi il est une des figures les plus importantes du mouvement New Age contemporain. Peu importe la véracité de ses dires ou la solidité de son argumentaire, sa rhétorique est efficace. *We get him*. (1)
D’une certaine manière, son essai se lit comme un roman. D’ailleurs, je pense que toute Å“uvre de pensée, ce que les anglophones nomment « *non-fiction* », devrait se lire comme un roman. Même une pensée fausse peut être intéressante et stimulante… L’erreur est de croire qu’une pensée correcte ou vraie se suffit à elle-même et n’a pas besoin des artifices de la rhétorique pour exister. Que la logique nue peut triompher de tout.Â
À l’heure où la désinformation est une véritable pandémie sur les réseaux sociaux, il est temps de tirer les conclusions qui s’imposent : l’esprit humain se fiche de la vérité, seules lui importent les belles fictions.
(1) Il est intéressant de noter qu’Harari et Chopra pratiquent tous les deux la méditation. Peut-être que la clarté de leur pensée découle de cette pratique quotidienne qui enrichit leur écriture.
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