# Semaine du 19 août 2024 *Ces entrées appliquent l’orthographe rectifiée. Adieu les petits accents circonflexes !* ## Lundi 19 août Puisque c’est disponible sur BBC iPlayer, je regarde la première saison d’*Interview with the Vampire*. Sept épisodes d’excellente qualité. C’est tout aussi sexy qu’horrifique. Ces dernières années, j’ai remarqué que j’ai tendance à abandonner les séries TV occidentales après quelques épisodes seulement. Ce n’est pas le cas ici. *I am hooked*.  Ils ont changé quelques détails par rapport à l’histoire originelle, dont l’âge de Claudia (qui est adolescente dans la série) et la couleur de peau de Louis — deux éléments qui permettent de renforcer les enjeux dramatiques. J’apprécie tout particulièrement les scènes entre Louis et son intervieweur Daniel Molloy, qui a les meilleures réparties. Son humour est caustique, irrévérencieux, certainement suicidaire si on prend en compte la nature prédatrice de Louis. Mais évidemment, l’attrait principal de cette série, c’est le frisson queer qu’elle procure, avec un Lestat qui semble tout droit sorti d’un rêve… ou d’un cauchemar. --- ## Mardi 20 août Ils sont faciles à reconnaitre. Ils ont un *blue tick*.  Auparavant, c’était le signe que ces comptes étaient célèbres et méritaient notre attention. Des journalistes, des stars de la TV, des professeurs d’université. Maintenant, sur Twitter-X, c’est le signe qu’il faut les éviter. C’est ceux qui payent un abonnement Premium, ceux qui se font mousser, ceux pour qui la vérité est à géométrie variable. Comme des mouches à merde, iels pullulent autour des comptes importants et commentent comme si leur vie en dépendait. Leurs interactions n’ont pour but que d’attirer l’œil du passant sur eux. Puisqu’ils payent, l’algorithme leur garantit une place de choix tout en haut du fil — la qualité de leur contribution importe peu. Maitres de la surenchère (de faits obscurs, d’indignation factice), ce sont des parasites aux valeurs à ce point conservatrices qu’elles en sont devenues rances.  Impossible d’échapper à ces comptes nauséabonds. Un autre exemple (si besoin en était) de l’emmerdification des réseaux sociaux. --- ## Mercredi 21 août Il existe des écrivains qui n’aiment pas lire, et c’est OK, me dit-on. Je comprends que nous vivions à une époque où chacun peut faire ce qu’il veut, où la moindre recommandation est vécue comme une dictature, où il est de bon ton d’être libre, Max. Mais arrêtons de normaliser ce type d’âneries.  Un écrivain est avant tout un lecteur. Peu importe le livre, peu importe le genre, peu importe la fréquence et la quantité. À moins de n’écrire que pour soi, de manière compulsive, dans ses carnets, l’acte d’écrire, aussi un acte de partage, s’accompagne toujours de la lecture — c’est ainsi que l’on apprend ce que les autres aiment et veulent lire, ce que les autres écrivent ; c’est ce qui nous permet de nous situer dans le paysage de la production littéraire.  On peut préférer la première personne ou le présent de l’indicatif, n’écrire que des vers ou des dialogues de théâtre. On peut être des réalistes *stricto sensu* ou des « réalistes d’une réalité plus large », comme dirait Le Guin. Tout cela importe peu (à moins de s’intéresser aux écoles ou aux mouvements littéraires). Mais les écrivains lisent, par gout, par habitude, par nécessité. Celleux qui n’aiment pas découvrir les textes des autres, fussent-ils des classiques ou des nouveautés, doivent se poser les bonnes questions. Ont-iels choisi l’art qui leur correspond le mieux pour exprimer leur créativité ? D’ailleurs, comment la nourrissent-iels ? Écrivent-iels hors sol ? Comment font-iels leur apprentissage artistique sans les livres ? De la même manière qu’il est impensable qu’un musicien puisse ne pas aimer écouter de la musique, qu’un réalisateur ne prenne aucun plaisir à se poser devant un écran, grand ou petit, ou qu’un peintre refuse de contempler les tableaux de ses ainé·es ou de ses contemporain·es, il ne devrait pas exister d’écrivain·es qui ne souhaitent pas lire. --- ## Jeudi 22 août La liberté de l’écrivain·e ne réside pas dans ce choix binaire : aimer ou ne pas aimer lire ; faire avec ou faire sans. Sa liberté, c’est de choisir quoi lire quand iel veut, c’est d’emprunter les grandes avenues littéraires comme les petits chemins détournés. C’est s’extasier devant tel poème ou tel roman ; c’est aimer à ce point qu’on décide d’écrire « à la manière de » ; c’est détester si fort qu’on veuille proposer *sa* propre version de l’histoire.  Alors, non, ce n’est pas « ok » de vouloir écrire tout en n’aimant pas lire. C’est le signe que quelque chose ne tourne pas rond. Et pour ton épanouissement, aussi bien personnel qu’artistique, peut-être que la priorité serait d’en découvrir les causes et d’y remédier au plus vite. Il existe tant de livres dans la nature que tu en trouveras bien un (parions : plusieurs) qui sera à même de t’enthousiasmer et de te (re)donner gout à la lecture. Une lecture nourrissante faite à ton rythme. Une lecture, en somme, à ton image. --- ## Vendredi 23 août Je viens de découvrir une revue fort intéressante pour les écrivains d’imaginaire : [*Worldbuilding Magazine*](https://www.worldbuildingmagazine.com), une publication gratuite qui se focalise sur la création d’univers en proposant des articles sur les ports, la diplomatie, la cosmologie, la justice, etc. Parfait pour améliorer sa culture générale ! Et seulement sa culture G, car je ne pense pas que ce genre d’articles soit particulièrement utile à l’apprenti écrivain, en ce sens qu’il lui permettrait d’écrire de meilleures histoires.  En général, le *worldbuilding* occupe une place démesurée dans l’esprit de l’auteurice en herbe jusqu’à ce qu’iel comprenne (parfois sur le tard) que seule l’histoire importe. Le *worldbuilding* n’est qu’un décor, parfois important, c’est vrai, mais l’attention de l’auteurice doit se focaliser sur ce qui se passe sur scène (c.-à-d. l’histoire et les personnages) plutôt que sur l’arrière-plan. Quand on lit un roman de fantasy, passe-t-on son temps à se poser des questions sur le monde ? Est-ce l’élément que l’on retient le plus ? Rarement. Ce qui saisit notre imagination, c’est ce que font les protagonistes dans cet univers. Ainsi, l’auteurice crée son monde en fonction des besoins de l’histoire. Nulle obligation de tout savoir — juste un peu plus que les lecteurices, c’est suffisant. Évidemment, le *worldbuilding* est source de beaucoup de joie, et il n’y a aucun mal à passer son temps à peaufiner chaque petit détail. D’ailleurs, il est possible de ne faire que ça : personne ne nous oblige à écrire des histoires si c’est la création de monde qui importe le plus à nos yeux. Mais si le but est d'écrire une bonne histoire, il faut savoir tenir sa passion pour le *worldbuilding* en laisse. --- Navigation : [[20_PublicDiary]] [[Semaine du 2024-08-12|Semaine précédente]] - [[Semaine du 2024-09-02|Semaine suivante]]