## S01E01 Littérature gay et Romance MM : quelle(s) différence(s)?
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Tags : #Podcast #Gay
Rédigé : Mercredi 11 mars 2020
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Pour beaucoup de lectrices et de lecteurs de romance MM (et pendant très longtemps, j'ai fait partie de ce groupe), il semble exister une confusion entre romance MM et littérature gay, ou plus spécialement "roman gay" -- ce que les anglosaxons nommeraient "gay fiction", la fiction gay.
Intéressons-nous d'abord à la littérature gay.
Comment sait-on si un texte fait partie de cette littérature ? La réponse est assez simple : la littérature gay est écrite le plus souvent par des gays à l'attention des gays. Evidemment, ça ne veut pas dire que des auteurs hétéros ne peuvent pas en écrire ou que des lecteurs eux aussi hétéro ne peuvent pas en lire. Le genre est ouvert à tous ; pas besoin de carte de fidélité ou d'adhésion à un parti. Mais généralement : ce sont des textes écrits pour et par des hommes gays. De la même manière que la littérature lesbienne est écrite par et pour des femmes lesbiennes.
Cette production littéraire se caractérise par le fait qu'elle met en scène l'expérience d'être homosexuel. Son but est de témoigner, aussi bien à travers la fiction qu'à l'aide d'essais, de ce que c'est d'être gay, de ce que ça veut dire dans notre societé. En cela, l'approche se veut en théorie la plus réaliste possible.
Si je parle de "littérature gay" et non de "romans gay", c'est bien parce que je veux inclure dans le sujet de ce podcast, en plus de romans ou de nouvelles, du théâtre, des essais, de la poésie ou des témoignages, comme on peut en trouver dans les autobiographies.
Pour vous donner un exemple, l'écrivain américain Edmund White, un des grands noms de la littérature gay anglosaxonnes, a raconté ses années formatrices et l'exploration de sa sexualité dans Un Jeune Américain. Côté français, l'écrivain Renaud Camus a raconté ses rencontres érotiques dans un livre intitulé Tricks, un ouvrage publié en 1978 et préfacé par Roland Barthes, alors professeur au Collège de France.
Plus proche de nous, l'écrivain britannique Jonathan Kemp donne à lire dans une langue extrêmement poétique le récit de vingt-six "plan culs". Une rencontre pour chaque lettre de l'alphabet. L'ouvrage, publié en 2011 et non traduit en français à ma connaissance, est intitulé simplement TwentySix.
La littérature gay est un phénomène assez récent dans l'histoire de la littérature puisqu'il commence au XIXe siècle avant de s'épanouir principalement dans la seconde moitié du XXe siècle.
Mais ça ne veut pas dire qu'on ne trouve pas des écrits plus anciens qui parlent clairement d'amour entre hommes.
Il y a par exemple la poésie de Michel Ange, le fameux artiste italien de la Renaissance, clairement homosexuelle, et surlaquelle je reviendrai peut-être dans un prochain épisode.
Et si l'on veut remonter jusqu'à l'Antiquité (et vous verrez que j'aime beaucoup parler de l'Antiquité), un des textes fondateurs pour les homo a été le Banquet de Platon
Intéressons-nous maintenant à la "romance MM". Pour ceux qui ne sauraient pas ce que MM veut dire, il s'agit des initiales de "Male/Male"… qui indiquent que les deux protagonistes de la romance sont des hommes. Sur le même modèle, on parlera de "romance FF" pour une romance lesbienne.
Le terme clé est évidemment ici le mot "romance". La romance MM est un sous-genre de la romance, un genre assez codé, aussi lu sinon plus que le polar, mais qui contrairement à ce dernier est encore assez mal perçu par les médias et les institutions culturelles.
La romance MM, ce sont des nouvelles, des novellas ou des romans. Ce sous-genre est apparu sur le tard et connaît depuis dix ans un succès assez important pour justifier en France la création de petites maisons d'édition spécialisées, ou chez de plus grands éditeurs, des collections spécifiques.
Si on doit généraliser, la romance MM est une écriture du fantasme, et à ce titre ne se soucie pas de réalisme, comme c'est le cas avec la littérature gay. La romance MM reprend logiquement les codes de la romance hétéro et les applique aux histoires d'amour entre deux hommes.
Pour simplifier, et y aller à gros traits, boy meets boy (un homme rencontre un autre homme), tombe fou amoureux de lui, lui jure fidélité jusqu'à la mort. Ils se marient et ont beaucoup d'enfants (adoptés). L'histoire se termine bien. Tout le monde est heureux, et le lecteur (qui est souvent une lectrice) est totalement épanouie par sa lecture.
Même si des hommes écrivent et lisent de la romance MM (j'en fais partie), c'est un genre (ou un sous-genre) écrit principalement par des femmes pour des femmes. Les statistiques ne sauraient mentir.
Si mes définitions de la littérature gay et de la romance MM semblent claires à première vue. Certains ouvrages des deux côtés de la barrière peuvent créer de la confusion.
Ainsi, le roman d'Edward Morgan Forster (EM Forster), Maurice, écrit en 1913 mais publié seulement en 1971 après sa mort, et qui raconte une belle histoire d'amour entre deux hommes (qui finit bien ! C'est très rare à l'époque et ça mérite d'être souligné) Maurice, c'est de la littérature gay mais pas de la romance MM. Il ne faut pas confondre.
Du côté romance MM, il y a des auteurs et des autrices qui ont la volonté d'offrir une histoire qui soit la plus réaliste possible… ce qui fait que leur roman peut être difficile à catégoriser.
Pour ne pas nous aider, Amazon dans son top des meilleures ventes semble totalement confondre littérature gay et romance MM, ce qui pose des problèmes car le lectorat est parfois très différent. On peut trouver des commentaires négatifs justement parce que le lecteur a lu un roman de littérature gay alors qu'il ou elle s'attendait à lire une romance MM.
Tout à l'heure, j'ai mentionné rapidement quelques ouvrages fondateur de la littérature gay, mais je dois vous avouer que je ne connais pas le titre de la première romance MM… mais je peux citer deux histoires publiées il y a maintenant pas mal de temps et qui m'apparaissent comme étant des pionniers du genre
Le premier, c'est le roman de Thomas Burnett Swann, un écrivain américain de fantasy, actif dans les années 60 et 70. Le roman est intitulé "Plus grands sont les héros", il a été publié en 1974, et raconte l'histoire d'amour entre David et Jonathan, ceux de la Bible. Vous savez, le David de David et Goliath. C'est à mes yeux une vraie romance MM, même si le roman ne se finit pas sur une déclaration d'amour éternelle par exemple. Pour les plus curieux, ce roman a été publié en français par les Moutons électriques en 2014. Soit 40 ans après sa sortie aux Etats Unis.
Le second, c'est aussi de la fantasy. Il s'agit d'une trilogie publiée entre 1989 et 1991, il y a trente ans, et écrite par l'autrice américaine Mercedes Lackey. C'est évidemment de la trilogie du *Dernier Héraut Mage*, qui narre les amours tragiques de Vanyel. Ah, Vanyel ! Soupireront les lecteurs et les lectrices qui ont lu ces romans.